La Saga Dorothée > Rencontre avec Corbier
Sans sa barbe, Corbier n’est plus Corbier ! Et c’est bien pour cela que dix ans après, l’homme a peu changé. Le joyeux drille du Club Dorothée - qui a longtemps officié aux côtés d’Ariane, Jacky, Patrick et les autres - a accepté de revenir sur ses années de gloire audiovisuelle. Aujourd’hui, plus que jamais chansonnier, François Corbier nous dévoile ses ressentis sur la période qui l’a propulsé « copain des enfants » aux côtés de la Reine de l’époque...
Alexandre Raveleau : Neuf ans après la fin du Club Dorothée, comment vous définiriez-vous ?
François Corbier : Je suis un chansonnier non montmartrois ! Un « songster » plus précisément. J’écris sur l’actualité, sur les sujets qui me parlent : l’avortement, le Sida... Je ne suis pas un clone de moi au Club Dorothée ! D’ailleurs, même dans les grandes déconnades, « le Nez de Dorothée » par exemple, j’avais réussi à placer quelques jolis mots : « le président à dit c’est un scandale, y’a plus d’ordre partout, c’est la pagaille. Le franc n’vaut plus un liard on ne parle que de bagarres, notre hymne est poussiéreux chantons avant qu’il n’soit trop tard ».
Alexandre Raveleau : A qui s’adresse maintenant le chansonnier ?
François Corbier : Dans mes concerts, je suis face à ceux qui nous regardaient à la télévision. J’aurais bien envie d’oublier un peu toute cette période, mais je ne peux pas la rayer de ma vie. Quand je chante « Sans ma barbe », les spectateurs redeviennent les enfants qu’ils étaient ! Dans le train, au restaurant, j’ai l’impression que les gens ont de nouveau dix ans quand ils me reconnaissent. C’est très touchant.
Alexandre Raveleau : L’image du Club Dorothée vous colle toujours à la peau...
François Corbier : L’impact qu’avait Dorothée était énorme. Je pense que nous sommes restés dans les esprits parce que nous nous adressions à un public très jeune. Et quand on parle aux enfants, ça marque l’affectif. Sans doute étions nous importants à leur yeux. On les faisait rire, pleurer... Nous avons certainement remplacé les parents ou les grands-parents de temps à autre... Car nous étions là tous les jours ! Ce que nous avons vécu c’est formidable, plaisant, mais en rien extraordinaire. Mon seul regret, c’est que la production ne m’ait pas demandé de faire un peu plus de scène avec Dorothée. C’est un peu con, c’est tout !
Alexandre Raveleau : Comment avez-vous rejoint l’équipe de Dorothée ?
François Corbier : C’est la télé qui est venue me chercher. A l’époque, je chantais dans les cabarets de la capitale. Mme Joubert est venue me voir un soir au Caveau de la République. A la fin du concert, elle m’a dit : « Les enfants rient, vous m’amusez. Je fais une émission avec Dorothée sur la 2. Si vous voulez nous rejoindre... » Alors j’ai voulu regarder l’émission comme elle me l’avait dit. Et je me suis trompé de chaîne ! Mais j’ai dis ok pour Récré A2. Et, seulement dix jours après, des gens de TF1 sont venus me proposer la même chose sur leur chaîne...
Alexandre Raveleau : Quel était votre carburant pour venir chaque jour à la Plaine Saint-Denis ?
François Corbier : Vous savez, il faut bien manger ! (rires) Ce qui me plaisait vraiment, c’était de voir les copains travailler. Dans Récré A2, j’adorais regarder Cabu dessiner par exemple. Doggy Dog faisait des trucs incroyables aussi. Le but dans nos journées consistait à essayer de comprendre comment les autres allaient nous piéger ! C’était vivifiant !
Alexandre Raveleau : Et tout ça sous la houlette de Jean-Luc Azoulay...
François Corbier : Il a une vraie vivacité d’esprit. Ce qu’il sait faire à la perfection, c’est écrire pour les jeunes ados. Je ne dis pas que c’est Molière ou Racine, mais il a le bon ton. Dans le désert, sur tous les tournages, il faisait tout pour nous. Il nous regardait et cinq minutes après, l’idée était sur le papier. Nous par contre, nous ne savions pas du tout à quelle sauce nous serions filmés ! Plus encore que des animateurs, nous étions des comédiens.
Alexandre Raveleau : Une véritable petite troupe d’animateurs en fait ?
François Corbier : Ca, c’est un autre talent d’Azoulay ! Il arrivait à faire croire que nous formions une grande famille. Dans le quartier où j’habitais à l’époque, les enfants pensaient que c’était la maison où nous vivions tous ! Je ne connaissais personne en vérité. Mallory Nataf (Le Miel et les abeilles, ndlr), je ne l’ai vue que deux fois dans ma vie. Je ne m’intéressais pas à tout ce qui nous entourait, comme les sitcoms et autres. Je ne regardais même pas les dessins animés, tout simplement parce que j’ai horreur de ça ! Les séries, je ne les ai jamais vues ! Je me contentais de les annoncer...
Alexandre Raveleau : « Ovniesque » dans le monde de Dorothée, vous avez quitté le navire avant tout le monde en octobre 1996. Un peu colérique Corbier ?
François Corbier : Je n’ai jamais été en colère contre les gens de AB Productions. Je ne me suis vraiment énervé que trois fois en dix ans. D’abord quand on a voulu me mettre une oreillette. Je ne suis pas une marionnette ! Celui qui me parlait n’avait qu’à venir sur le plateau ! Un autre jour également, j’ai reçu mon bulletin de salaire et ma paie avait baissé d’un quart, sans qu’on me prévienne ! Et la fois où TF1 a considéré qu’un barbu à la télé, c’était sale ! Alors je me suis rasé sans poser trop de soucis, mais ça n’a pas duré ! J’avais été choisi parce que mon personnage plaisait. Alors quand on a voulu m’instrumentaliser, en gros à partir de 1993, j’ai commencé à m’énerver. S’il fallait changer ma façon d’être, il valait mieux que je parte. Et donc, je suis parti, avec regret et tristesse quand même. On m’a finalement demandé de revenir pour les dernières vacances. J’ai bien évidemment accepté.
Alexandre Raveleau : Si nous faisions un parallèle entre septembre 1992 et aujourd’hui, en quoi votre vie a-t-elle changé ?
François Corbier : Nous venions de reconduire notre contrat ! Alors ça voulait dire que nous aurions du boulot pour encore cinq ans au moins. A cette époque, je vivais dans une bulle, située dans une autre galaxie. Mes journées aujourd’hui, c’est de la musique avant tout. Mon nouvel album est disponible sur mon site internet. Et puis je passe beaucoup de temps pour répondre à mon courrier, trois à quatre heures par jour. A part ça, je vis à peu près normalement. Mes textes sont même étudiés à la Sorbonne à Paris ! Je trouve que c’est déjà pas si mal... Mais je ne roule pas sur l’or, loin de là !