[20 ans Toutelatele, 2002] Y’a que la vérité qui compte, du succès aux polémiques, les dessous du show de TF1
A l’occasion de ses 20 ans, Toutelatele s’arrête sur l’année 2002, celle du lancement d’un format qui va marque le public de TF1, Y’a que la vérité qui compte. Menée par le duo Bataille & Fontaine, l’émission va caracoler en tête des audiences. Retour de sa naissance jusqu’à sa fin de vie avec Pascal Bataille.
En 2002, Y’a pas photo est dans la tourmente sur TF1. Le format, présenté par Pascal Bataille et Laurent Fontaine, voit ses audiences décliner alors que la chaîne privée négocie l’arrivée d’une star de la télévision sur son antenne.
La direction de TF1 cherche à recruter Jean-Luc Delarue, alors star du service public avec Ca se discute et Jour après jour : « Y’a pas photo, qui avait fait cinq saisons assez fortes, commençait à tourner en rond. TF1 voulait qu’on renouvelle un peu les choses. Jean-Luc Delarue, qui cartonnait sur France 2, voulait arriver sur TF1. Etienne Mougeotte hésitait à mettre Delarue à la place de Bataille & Fontaine et Courbet » raconte Pascal Bataille à Toutelatele.
Jean-Luc Delarue négocie, en effet, également la case du vendredi soir occupée par Julien Courbet avec Sans aucun doute. Le choix est difficile pour TF1. En mai 2002, Julien Courbet caracole encore jusqu’à 40% de part de marché en seconde partie de soirée et rassemble des millions de Français.
Y’a pas photo arrêtée, Y’a que la vérité qui compte lancée
Pascal Bataille et Laurent Fontaine tournent le pilote d’une nouvelle émission alors que les jours sont comptés pour Y’a pas photo. La dernière, diffusée le lundi 27 mai 2002 arrive deuxième des audiences avec 1,86 million de téléspectateurs, soit 26% du public. La semaine suivante, Confessions intimes reprend le leadership. Le magazine dépasse les 2 millions de téléspectateurs. TF1 cherche un nouveau format alors que la saison touche à sa fin et prend une décision surprenante. La chaîne privée teste, sans réelle conviction, Y’a que la vérité qui compte, et ce, sans même connaître le contenu de ce nouveau divertissement : « Chez TF1, on s’est retrouvés face à des interlocuteurs qui s’intéressaient peu au programme qu’on préparait. Quand la chaine a balancé Y’a que la vérité qui compte un lundi soir de juin, la chaîne ne savait quasiment rien de l’émission. »
C’est donc en toute discrétion que TF1 met à l’antenne le premier numéro de Y’a que la vérité qui compte le lundi 10 juin 2002. Le succès est au rendez-vous avec près de 40% de part de marché et plus de 2,7 millions de téléspectateurs : « La première a été diffusée et on a fait un énorme carton d’audience. Etienne Mougeotte m’appelle à 9h15 le lendemain en me disant ‘Vous tenez un truc. Je vous signe ça pour l’an prochain si la deuxième est du même niveau’. »
Le deuxième numéro de Y’a que la vérité qui compte, diffusée deux semaines plus tard, progresse et dépasse les 3 millions de téléspectateurs : « Dès le succès des deux pilotes, TF1 a beaucoup cru au programme. Y’a que la vérité qui compte était une pépite explosive puisqu’elle demandait beaucoup de travail et vigilance. On s’est dit qu’on était parti pour une émission qui allait durer et bien marcher. » Une saison complète est commandée pour la rentrée 2002. Pascal Bataille et Laurent Fontaine sauvent alors leur place sur TF1. Jean-Luc Delarue reste sur France 2.
Un format impactant
« Outre Bataille & Fontaine, l’émission reposait sur un dispositif sur lequel on a beaucoup travaillé. Le rideau était l’élément central, les écrans étaient très importants et nos personnages emblématiques. Sam était une page silencieuse qui accompagnait l’invité depuis la loge jusqu’au plateau. Il est devenu culte à tel point qu’il recevait parfois plus de courriers que Laurent et moi. Rebecca Hampton, qui est devenue une des comédiennes phares de Plus belle la vie, et Daphné a participé aux quatre saisons suivantes de Y’a que la vérité qui compte. L’idée du personnage de Rebecca et Daphné dans la loge était très importante. C’était une présence féminine à l’émission et elle permettait à l’invité de patienter et d’affronter cette mise en scène un peu lourde et difficile. »
L’émission s’installe sur la grille de TF1 et devient culte. En plus du rideau, son générique reste l’un des éléments les plus identifiés du public. « L’idée était de montrer que l’émission était très sérieuse avec des gens et histoires vraies. Ce n’était pas de la télé-réalité. On était vraiment dans une émission de vérité et de réalité. Avec Laurent, nous ne voulions pas apparaître comme des manipulateurs. D’où l’idée d’un générique très second degré. Avec sa musique ludique, il a marqué les esprits. »
Y’a que la vérité qui compte entre rapidement dans la tourmente. Le format est jugé trop proche de l’émission italienne Ce Posta Per Te, créée par la star de la télévision italienne Maria De Filippi. Les Français doivent agir rapidement alors que Y’a que la vérité qui compte s’installe sur la grille de TF1 : « Les détenteurs italiens du format nous contactent en disant ‘Il y a des points de ressemblance un peu forts’. Pour ne pas avoir d’ennui, on a acheté les droits du format. Côté business, c’était une erreur puisqu’on s’est retrouvé dépossédé de notre création. On a versé pendant des années une redevance à la créatrice originelle de ce format. »
Critiques & Polémiques
Y’a que la vérité qui compte revient à l’antenne de lundi 2 septembre 2002 en seconde partie de soirée. TF1 caracole alors en tête des audiences et installe ce nouveau rendez-vous sur sa grille des programmes. Mais très vite, une certaine presse s’attaque à l’émission et accuse TF1 de voyeurisme alors que le programme devient une référence : « Il y a eu beaucoup de critiques dans la presse, les caricatures, Les Guignols… On a vécu ça de façon différente. La critique est toujours positive. On savait qu’on allait toucher à des tabous. On a qualifié à tort l’émission de voyeurisme. Elle était éventuellement exhibitionniste. On rentrait dans quelque chose qu’on n’avait pas l’habitude de voir à la télévision : l’intimité, le personnel, les sentiments… »
Les audiences sont au beau fixe et TF1 se frotte les mains. Lors de la saison 2004 / 2005, Y’a que la vérité qui compte atteint jusqu’à plus de 46% de part de marché. TF1 réunit alors près de 4 millions de Français en seconde partie de soirée : « Mettre ça sur un plateau de télé avec des projecteurs, 250 ou 300 personnes de public et 3 à 3.5 millions de téléspectateurs, ça pouvait choquer. On s’y attendait, mais pas la violence de certaines réactions. On l’a parfois difficilement vécu. Il y a eu beaucoup d’injustices. Beaucoup de gens critiquaient cette émission sans même l’avoir vue. »
En 2005, une journaliste de l’hebdomadaire Télérama parvient à piéger la production. Elle passera à l’antenne avec un témoignage fictif : « On a pu lire : ‘Les gens étaient forcés de venir, la séquence était forcément diffusée, que tout était préparé à l’avance… ‘ Tout ça était faux. Ça nous touchait quand le travail de nos équipes était mis en cause de façon injuste. »
En 2004, une participante à l’émission refuse d’ouvrir le rideau à son ex-mari. Il finira par se venger en l’agressant quelques jours après la diffusion. Les Guignols de Canal+ s’emparent de l’affaire. « Y’a que la vérité qui compte a été très attaquée et il y a eu notamment une affaire judiciaire. Un conflit entre deux personnes qui étaient passées dans l’émission. Cela lui a pas mal nui. TF1 souhaitait qu’on remanie un peu les choses. Il se demandait s’il fallait continuer ou pas. Y’a que la vérité qui compte avait une image assez dégradée. On a voulu être plus dans l’attention et l’histoire des gens. On a aussi pâti des changements de programmation en première partie de soirée avec des séries qui nous amenait un peu plus tard le soir. Cela a un peu perturbé les audiences… »
Une fin brutale
Face aux polémiques et aux audiences en baisse notamment auprès des ménagères de moins de 50 ans, TF1 demande à Pascal Bataille et Laurent Fontaine de revoir leur copie à la rentrée 2006. Le duo propose une ultime formule avec un nouveau générique, un décor flambant neuf et le départ de Daphné en coulisses. Mais la direction de TF1 n’est pas convaincue et annonce la suppression définitive de l’émission : « Je l’ai appris de façon un peu brutale en étant convoqué dans une réunion. C’est la règle du jeu. J’ai travaillé vingt ans sur TF1 avec une règle simple : L’audience est là, vous êtes le roi du monde. Elle n’est plus là, on vous dit au revoir. »
La dernière émission est diffusée le 27 novembre 2006. Avec plus de 3,3 millions de téléspectateurs, Y’a que la vérité qui compte reste un succès sur TF1 : « Ça s’arrête parce TF1 n’était pas sûre d’elle et de son désir de continuer. Du fait de cette programmation tardive, on avait trois émissions tests et les audiences ont été un peu décevantes par rapport aux saisons passées. Entre le problème d’image et une audience peu qui ne répondait plus aux attentes, la chaîne a préféré arrêter Y’a que la vérité qui compte de façon un peu brutale. »
En quête de vérité, successeur mort-né
Fraîchement arrivé sur TF1, Benjamin Castaldi récupère la case avec le magazine people Langues de VIP, désormais en alternance avec Confessions intimes et Incroyable mais vrai. Mais le programme ne parviendra pas à convaincre la chaîne privée. Avec moins de 30% de part de marché en moyenne, Benjamin Castaldi essuie un échec et TF1 arrête Langues de VIP dès avril 2007.
Entre temps, Pascal Bataille et Laurent Fontaine testent En quête de vérité en seconde partie de soirée, sans réellement convaincre. Ne respectant pas la clause des 30% de part de marché, le format est également évincé : « En quête de vérité n’était pas vraiment la relève de Y’a que la vérité qui compte. On avait cette idée en tête pour faire plutôt du prime. On en avait parlé avec TF1 qui y croyait beaucoup. Il y avait cette nostalgie de Perdu de vue et l’envie de faire des vraies enquêtes filmées. On souhaitait partir sur des choses différentes. Toujours sur cette histoire de retrouvailles, mais en filmant les coulisses au travers de jolis reportages bien filmés. On a testé deux ou trois numéros en deuxième partie de soirée. Ça n’a pas été un succès et c’est notre faute. Pour faire un peu prime time, on a tenu à mettre des plateaux. Les téléspectateurs s’ennuyaient, car les plateaux étaient trop longs. On aurait dû peut-être se contenter de films et de lancements un peu brefs. On a voulu mettre un peu trop de Y’a que la vérité qui compte dans ce format-là… »
Ces arrêts signent la fin du duo d’animateurs sur TF1. Après plusieurs discussions avortées avec TMC et NRJ12, Y’a que la vérité qui compte n’est jamais revenu sur le petit écran : « Je ne suis pas sûre que cela a été la décision la plus inspirée d’Étienne Mougeotte. Il a fait de belles choses, mais aussi des erreurs parfois… Je pense qu’il aurait dû continuer Y’a que la vérité qui compte qui avait encore beaucoup d’histoires à raconter » conclut Pascal Bataille.