Pascal Praud ou l’ascension fulgurante d’un journaliste controversé

Si sa voix semble différente à l’époque, Pascal Praud n’en parait pas moins très à l’aise pour sa première apparition télévisée à l’occasion d’un reportage dans les rues de Nantes le 15 mai 1988 pour le journal de FR3 Pays de la Loire présenté par Ghislaine Ottenheimer.

Le caméraman l’accompagnant, pour les premières images introductives, suit une paire de jambes féminines, car, selon un sondage de 1988, Nantes se situait en 75e position dans le classement des villes les plus sexy de France. Un affront pour le journaliste.

Le parcours de Pascal Praud

Le jeune Pascal Praud de l’époque souhaite démentir cette statistique, et se renseigne ainsi dans les rues de sa ville d’origine, où il est né en 1964, auprès des passants, dans les magasins de lingerie, et même dans un club de sport.

L’homme, d’une petite vingtaine d’années à l’époque, va jusqu’à aborder bravement une femme dans la rue pour prouver que sa ville sait être « sexy » : « Si je vous demande d’enlever quelque chose, vous le faites ? ». La jeune femme mise au parfum du thème du reportage approuve l’audace de son interlocuteur, et joue le jeu en retirant son écharpe puis son manteau. À la fin de ce reportage, rythmé par une musique rock, la caméra recule laissant apparaître Pascal Praud en caleçon et mocassins pour arranger le classement nantais.

Cette impudence, Pascal Praud la conserve pendant tout le long de son parcours comme journaliste sportif, chroniqueur, animateur de radio puis de télévision française. Et la plupart des émissions l’ayant accueilli au fil du temps, que ce soit à la radio ( Tirs au but, le Multiplex RTL-L’Équipe, le Grand match de Ligue 1, On refait le match, Les auditeurs ont la parole , etc.) ainsi qu’à la télévision avec L’Heure des pros , poursuivent de confirmer cet aplomb.

Ayant réalisé un grande partie de sa carrière comme il journaliste sportif, il sait se priver de filtre, comme il faut l’être à la mi-temps d’un match pour convaincre les auditeurs ou téléspectateurs passionnés, allergiques aux « si la balle avait franchi la ligne » et « il aurait pu marquer. ».

Désormais, l’homme garni de cheveux et d’une barbe blanches fêtera et soufflera bientôt sa 60e bougie. Pascal Praud peut regarder avec nostalgie un parcours académique singulier, étant passé par le Conservatoire d’art dramatique de Nantes entre 16 et 19 ans avant d’obtenir une licence de droit à la faculté de droit de Nantes et un diplôme de l’École supérieure de journalisme de Paris.

Le journaliste est rapidement lancé dans le grand bain en commençant par être chroniqueur dans l’émission mythique Téléfoot , créée en 1977 sur TF1. Cette expérience concluante, il la mène en 1988 aux côtés de l’inénarrable Thierry Roland, l’un des commentateurs sportifs les plus populaires de sa génération disparu en 2012.

Le chroniqueur restera vingt ans sur TF1 avant de devenir directeur général délégué chargé de la communication et du marketing du FC Nantes. Il fait ensuite son retour à la télévision, et entame une carrière d’animateur sur i-Télé en 2010 en gardant toujours un pied dans la radio où s’écoute sa voix gutturale. Sur le plan personnel, même s’il en parle peu, il est père de quatre filles nées d’une première union et, aux dernières nouvelles, en couple avec Catherine Bancarel, une ancienne basketteuse professionnelle.

Pascal Praud s’affirme

Finalement assez loin du zélateur dont on l’accuse parfois, Pascal Praud se prive peu d’affirmer son opinion, et ce trait de personnalité a permis à son rendez-vous fétiche depuis 2016, L’heure des pros de croître sur la chaîne d’information en continu CNews.

De ce côté, il semble avoir quelque chose de Thierry Ardisson dont il a été l’invité dans l’émission 93, Faubourg Saint-honoré sur Paris Première. Il avait prédit l’excellent parcours des Bleus à la Coupe du monde 2006.

Par ailleurs, au fil du temps, Pascal Praud comprend l’irritation des Français pour le politiquement correct, les discours corsetés, les propos mollassons ne retranscrivant pas la réalité. Le présentateur aux éditos caustiques voit des tabous tombés comme ceux avec le chroniqueur d’alors Éric Zemmour parlant franchement pour son auditoire quitte à choquer ou à être condamné par la justice.

Une chose est sûre, les téléspectateurs des deux éditions de L’heure des pros ne recherchent pas un présentateur vérécondieux qui aurait l’air d’un satrape imposant son point de vue. Il questionne en plateau et cherche volontiers l’opposition même si ses chroniqueurs s’entendent parfois sur les sujets. Charlotte d’Ornellas, Eugénie Bastié sur le réchauffement climatique et Geoffroy Lejeune sur la politique de la fin de vie, se sont récemment opposés au présentateur qui a dû respecter leurs opinions.

Le succès de L’heure des pros

Depuis 2010, Pascal Praud est implanté sur i-Télé avec différentes émissions comme L’œil de Praud , le 13h foot et le 20h foot . En plus de ses prestations à la radio, sur RTL, il remplace Léa Salamé à l’animation de Ça se dispute qui est en quelque sorte le galop d’essai avant L’heure des pros où il arbitre un débat entre Nicolas Domenach et Éric Zemmour jusqu’à la déprogrammation en 2014.

En 2016, le quinquagénaire prend les rênes du nouveau rendez-vous L’heure des pros . Quand i-Télé devient CNews en 2017, l’homme de médias conserve la présentation de trois émissions, L’heure des Pros, 20h Foot, du lundi au vendredi et le 13h Foot le week-end. Mais c’est bien l’émission de débats politiques qui crée l’évènement au fil du temps et perdure avant de se décliner en deux versions journalières dès 2019. Avec ses chroniqueurs et invités, le journaliste décrypte l’actualité avec une sensibilité de droite assumée.

Ainsi, l’émission considérée au départ comme « le bistro du coin » par certains commentateurs, car chacun y a son opinion, est devenue un rendez-vous. Toute une bande a révélé l’identité de la chaîne avec des chroniqueurs récurrents ancrés à droite et très actifs sur les réseaux sociaux comme l’avocat Gilles-William Goldnadel, l’ancien député et avocat Georges Fenech, l’ancien publicitaire Jacques Séguéla ou encore l’actuel directeur de la rédaction du Journal du dimanche Geoffroy Lejeune.

L’heure des pros a donné le coup d’envoi d’une chaîne très à droite à l’instar de Fox News lancée en 1996 par le magnat des médias Rupert Murdoch aux États-Unis. Cette chaîne d’information en continu du câble est la plus regardée du pays loin devant les rivales CNN et MSNBC.

Pascal Praud a, par ailleurs, réalisé le grand saut à la rentrée 2023, en rejoignant la radio Europe 1 et quittant donc RTL où il était présent depuis 2001 ( On refait le match d’Eugène Saccomano). Il a, par ailleurs, une chronique hebdomadaire dans le Journal du dimanche, dont le propriétaire est également Vincent Bolloré.

Mais tout n’a rien d’un long fleuve tranquille dans cette carrière, et Pascal Praud n’est pas indemne de tout reproche tant il s’emporte facilement en plateau. À son actif, quelques colères assez remarquées comme celle du vendredi 20 septembre 2019, où il avait littéralement hurlé sur une chroniqueuse lors d’un débat sur la chute, dans les sondages, du leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

Caroline Mécary, avocate et conseillère à l’Assemblée délibérante de Paris, intervient sans demander la parole et Pascal Praud perd son sang-froid : « Mais Caroline Mécary, c’est insupportable votre attitude ! Mais enfin, ça ne va pas ! Mais c’est juste insupportable ! Arrêtez ! Je ne peux plus animer une émission de télévision ! » Ses coups de sang ne sont pas rares, mais rarement aussi difficiles à regarder que celui-ci.

Pascal Praud a aussi perdu ses nerfs plus que nécessaires contre Sylvain Maillard, porte-parole des députés La République En Marche, invité des Auditeurs ont la parole sur RTL le jeudi 9 juin 2022.

La rançon du succès

Malgré ces emportements, l’animateur séduit notamment sur tranche horaire matinale où L’heure des pros devient très régulièrement leader... national à 9 heures. En revanche, il n’entre pas totalement en concurrence directe avec les matinales des chaînes historiques et les programmes comme Télématin sur France 2 (seulement une demi-heure de confrontation), mais avec des scores sans arrêt en hausse, l’audimat s’affole.

Dans les colonnes du quotidien Le Parisien, Pascal Praud tente d’expliquer le succès de CNews : « Des gens ont découvert la chaîne pendant le confinement puis le bouche-à-oreille a joué. Je pense que les téléspectateurs ont le sentiment d’y entendre une parole libre, contradictoire et multiple qui n’est pas soumise au politiquement correct. »

Par ailleurs, depuis son arrivée sur Europe 1, la radio du groupe Lagardère, avec Pascal Praud et vous chaque jour entre 11 et 13 heures, le passionné d’information a fait grimper la case de près de 35% d’audience supplémentaire, soit 268 000 auditeurs gagnés.

Des polémiques et controverses... mais aucune plainte

Malgré un véritable succès, sachant que CNews bat régulièrement BFMTV sur les deux créneaux horaires de 9 heures et 20 heures depuis 2023, des polémiques éclatent au fil de l’eau. L’heure des pros est une émission vue dans l’opinion publique comme clivante, parfois orientée un peu rapidement à « l’extrême droite », et régulièrement moquée par le talk-show Quotidien et les « bien-pensants » que Pascal Praud se plait à parquer.

Ainsi, Yann Barthès, le jeudi 14 décembre 2023, moque l’interview de Gérald Darmanin ayant eu lieu la veille en se demandant qui était le journaliste et qui était l’homme politique. Mais pour ce faire, Yann Barthès utilise ce qu’il fait de mieux, le découpage de micro séquences orientées et mises bout à bout.

Les paroles de l’animateur sont logiquement scrutées. Au début de la saison 2023-2024, quand il était question de l’essor des punaises de lit dans la capitale française notamment, le quinquagénaire se questionne sur la venue en grand nombre de « migrants  » vivants dans des conditions d’hygiène précaires, et la recrudescence de ces insectes hétéroptères.

Il s’en est défendu dans le Parisien : « Je n’ai jamais dit cela. Je pose une question dont je connais la réponse. Cela provoque un tollé à l’heure où les séquences de toutes émissions sont reprises de manière anarchique. »

Pascal Praud ajoute au sujet de cette séquence litigieuse : « Il y a une maladresse de ma part sur le mot immigration, je voulais dire les migrants. Évidemment que je ne voulais pas lier immigration et punaises de lit. Ce qui m’a énervé, c’est l’instrumentalisation de tout cela. Cela montre qu’effectivement chaque mot qui sort de ma bouche doit être extrêmement précis. Là, c’est de ma faute. Moi, je ne prépare rien. J’essaye de ne blesser personne. Je fais cette émission depuis 2016 et personne n’a porté plainte contre moi. »

Malgré le fait qu’il flirte souvent avec la ligne rouge, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) n’a pas infligé d’amende à CNews. En revanche, à l’époque du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), CNews a fait l’objet d’une sanction sous forme pécuniaire quand Éric Zemmour a qualifié les mineurs isolés étrangers d’ « assassins » et de « violeurs ».

Malgré cela, le canal 15 de la TNT continue de séduire en étant pour la première fois la première chaîne d’information sur une semaine face à la concurrente BFMTV entre le 4 et le 10 décembre 2023 avec 2,7% de part d’audience hebdomadaire contre 2,5% pour la chaîne du groupe Altice.

L’heure des pros est à retrouver du lundi au vendredi dès 9 heures. L’heure des pros 2 est à retrouver du lundi au jeudi dès 20 heures avec Pascal Praud et le week-end avec Eliot Deval sur CNews.