Lise Barembaum (scénariste de Demain nous appartient, TF1) : « Il y a une volonté de remettre Chloé (Ingrid Chauvin) au centre du jeu »
Lise Barembaum est depuis 2018 scénariste pour Demain nous appartient, diffusé du lundi au vendredi à 19h10 sur TF1. Elle revient, entre autres, sur les futures intrigues de la série. Rencontre.
Valentin Delepaul : Quels personnages vont être prochainement mis en lumière dans Demain nous appartient ?
Lise Barembaum : Victoria Abril sera présente en tant que guest pour une arche principale. Elle va être dans l’une des nouvelles familles. Il y a une volonté de remettre Chloé au centre du jeu. Comme elle est revenue avec Alex, il y a de la friture sur la ligne entre lui et Flore. Chloé est vraiment l’héroïne, on ne la lâche pas. On lui a déjà fait faire beaucoup de choses : grossesse tardive, divorce, changement de métier… mais on a encore des idées. Le destin des Moreno va également changer, ils vont vivre un truc de ouf et Charlie sera un peu impactée. Concernant Victor, il va changer de vie. On essaye de relancer les personnages historiques en leur faisant vivre des changements radicaux.
Les acteurs font-ils des demandes spécifiques lors de la réception du scénario ?
Ce n’est pas le cas quand on écrit, mais il y a un auteur plateau sur place à Sète. Son rôle est de réécrire les séquences. S’il y a un problème dans les dialogues, si l’acteur ne se sent pas à l’aise ou s’il y a un problème de réalisation, cet auteur peut intervenir.
Ingrid Chauvin souhaite plus de légèreté dans DNA, sa demande va-t-elle être prise en compte ?
Oui, quand une star fait des demandes, cela est pris en compte. Je ne la connais pas, mais je sais qu’Ingrid Chauvin est une femme humainement sympa et chaleureuse. Elle se sent très investie dans la mission DNA et milite pour que tout se passe bien.
« On essaye de relancer les personnages historiques en leur faisant vivre des changements radicaux »
Y-a-t-il un croisement entre les pôles de Demain nous appartient (DNA) et Ici tout commence (ITC) afin d’éviter les mêmes thématiques au même moment ?
La plupart des scénaristes d’Ici tout commence sont nos copains, ils viennent de Demain nous appartient. On a collaboré au début, car Maxime (Delcourt – Clément Remiens, NDLR) était chez nous. Mais il n’y a pas de réunion commune. Ils sont vraiment sur un autre créneau que nous bien que TF1 voulait toucher un public jeune aussi en créant un nouveau lycée dans DNA. Il n’y a pas d’intrigue policière dans Ici tout commence, c’est beaucoup plus soap que Demain nous appartient.
Quand il y a un croisement entre les deux soaps, est-ce plus difficile en termes d’écriture et de planning ?
Industriellement, c’est un gros bazar car ils ne tournent pas tous en même temps, mais sont dans la même région. Il n’y a pas beaucoup de croisements car c’est très dur à organiser. Parfois, on est embêté, quand Chloé vit un truc fort, on se dit qu’il faut que Maxime soit au courant et donc on essaye de faire des pirouettes pour justifier la non-présence de Maxime, mais on fait peu de croisement car logistiquement ce n’est pas possible.
« Ici tout commence, c’est beaucoup plus soap que Demain nous appartient »
Procédez-vous à des vérifications afin d’éviter les incohérences ?
Les fans sont très vigilants sur les incohérences. Sur Demain nous appartient, en plus de l’équipe des scénaristes, il y a un pôle composé de 4 ou 5 personnes qui s’appelle coordination des écritures. Ils ont la « mémoire de la série » avec tous les textes. Quand on ne sait plus si tel personnage a déjà parlé avec tel personnage, on leur envoie un mail et ils nous ressortent les séquences. On a un intranet entre nous avec tous les épisodes visibles et déjà montés, avec toutes les arches écrites, la bio des personnages… Il y a vraiment derrière les auteurs une grosse machine car on n’est pas une bibliothèque humaine donc on est très aidé.
« Le destin des Moreno va changer »
L’accident de bus, la prise d’otages, la fusillade au commissariat… ont permis de lancer ou casser une intrigue. Ces scènes chocs sont-elles plus difficiles à écrire ?
Ce sont des arches événementielles. En termes d’écriture, il y a beaucoup de contraintes. J’ai écrit l’arche de la prise d’otages en mars (cinq mois avant la diffusion, NDLR) et de la grotte. Je suis la spécialiste des arches compliquées (rires). L’arche de l’incendie du Mas était difficile à faire notamment au niveau des décors. Pour cette intrigue A, on était quatre auteurs, contre habituellement deux. Je me revois écrire sur des post-its, c’était très violent. Il n’y avait plus d’intrigue B pour ces épisodes, tout était à huis clos. Mais c’est un kif car ça casse notre rythme et c’est un sacré défi. Dans les soaps, il y a un côté esprit d’équipe ultra important et ce genre d’événement un peu dur nous soude car on se retrouve dans le même bateau. Il y a un vrai collectif, on est comme une équipe de foot. L’entente entre auteurs est fondamentale, on est tous devenus amis avec des parcours et des personnalités différentes, cela fait aussi le sel pour nos intrigues.
Lorsqu’il y a un prime, les moyens sont-ils plus nombreux ?
Je suis arrivée dans l’équipe au moment où les scénaristes avaient fini d’écrire le seul prime diffusé. Ils avaient pris un auteur du séquencier et un auteur externe à DNA. Au total, on est une vingtaine de personnes à travailler sur la série. Les séquenceurs travaillent en moyenne trois semaines par mois, pour avoir une semaine off et reposer le cerveau. Nous changeons également de binôme et sommes tout le temps réagencés.
« Chloé est vraiment l’héroïne, on ne la lâche pas »
Quelle intrigue avez-vous pris le plus de plaisir à écrire ?
Ma préférence va de très loin à l’arrivée de Frédéric Diefenthal. J’étais très fan de lui quand j’étais petite, c’est génial d’écrire pour son idole. J’avais pour mission, avec un autre auteur, de l’introduire dans la série. J’ai eu une totale liberté pour créer le personnage, la seule contrainte donnée était : c’est un mec fiable et il arrive en bateau. Avec mon co-auteur, on a réfléchi à la liste des personnages fiables dans le panthéon des célébrités. On a fait un croisement entre Jean Valjean des Misérables et Jack de la série This Is Us. On cherchait un nom de famille, et l’homme qui aide Jean Valjean au début des Misérables à trouver sa voie, s’appelle l’évêque Myriel. Personne n’est au courant de cette histoire, même pas Frédéric Diefenthal. L’arche sur la double identité d’Antoine est inspirée d’un épisode de Mad Men sur l’usurpation d’identité. J’ai été très triste du départ d’Antoine pour Ici tout commence, ce personnage était comme mon bébé. Et je suis contente que ça fonctionne pour lui.
Selon vous, quelle différence y a-t-il entre les deux soaps de TF1, Ici tout commence et Demain nous appartient ?
Ici tout commence a fait le gros pari de faire un pur soap. Les scénaristes avaient peur de se planter, mais la mission est réussie. Pour Demain nous appartient, il faut du polar bien ficelé pour l’intrigue principal (A).
« Il y a un vrai collectif, on est comme une équipe de foot »
Regardez-vous les autres soaps (Plus belle la vie, Un si grand soleil…) ?
J’ai regardé Plus belle la vie au début pendant quelques années. Un si grand soleil, je ne regarde pas mais les brides d’intrigues que j’ai pu entendre me plaisait.
Quelles sont vos inspirations pour l’écriture ?
Mes inspirations sont larges. Je peux regarder des séries très pointues sur HBO ou Valéria sur Netflix, un soap espagnol. J’adore This Is Us, Marvelous mrs maisel… Je ne rechigne à rien, peu importe le genre. J’ai une grosse prédilection pour les histoires familiales comme Six feet under et tout ce qui est historique.
Vous inspirez-vous de d’autres séries pour les intrigues de DNA ?
Oui, par exemple si on voit une scène géniale dans Breaking Bad, on va essayer de l’adapter. On regarde tous beaucoup de séries, on est tous très influencés.
Sur quelles autres séries travaillez-vous ?
J’ai signé une série qui va être tournée en février 2022 et diffusée sur OCS, se déroulant en partie en Israël. J’ai deux séries en cours de développement : une sur les adolescents juifs pendant la Shoah à la fin de la guerre. Une autre où l’action se déroule en Côte d’Ivoire dans les années 60 autour d’enfants métisses. En parallèle, je tiens également une chronique séries tous les vendredis sur radio RCJ.