Les chouchous du public 80/90 : Bruno Masure, Marie-Ange Nardi, Patrick Roy... ces stars adorées du public... et boudées par le milieu !

La télévision est avant toutes choses, un rouleau compresseur sans mémoire. Les programmes passent, les idées novatrices trépassent et « la mode se démode aussi vite qu’une émission de Thierry Ardisson », comme l’a un jour très bien résumé Bruno Masure. Et pourtant, certaines figures demeurent, portées par un vent de popularité qui ne faiblit pas. L’instant de grâce, d’ordinaire si éphémère, se prolonge pour elles de manière tout à fait exceptionnelle. Elles rencontrent leur époque télévisuelle, paraissent communier avec le cœur du public de façon presque indécente tant les places sont chères.

Bruno Masure, star du 20 heures

Bruno Masure fait partie de ces personnalités longtemps auréolées de cette magie. D’abord sur TF1, de 1987 à 1990, puis sur Antenne 2 (devenue France 2) de 1990 à 1997, son sérieux mâtiné de dérision l’a fait élire présentateur de JT le plus apprécié des Français. Il avait ce je-ne-sais-quoi, cet humour pince-sans-rire, Bruno Masure, quelque chose d’indéfinissable qui le distinguait. Depuis, d’autres journalistes, comme Bruno Roger Petit par exemple, ont adopté un style semblable, mais aucun n’est parvenu à créer un tel plébiscite.

Paradoxe : à l’époque où Bruno Masure était sur La 2 et caracolait en tête de tous les sondages, son journal de 20 heures n’a jamais atteint des audiences comparables à celles de Claire Chazal ou de Patrick Poivre d’Arvor. C’est le moins que l’on puisse dire ! Bruno Masure n’a jamais rallié du monde avec son nom et son JT faisait sensiblement les mêmes scores que celui d’Henri Sannier, avec lequel il a longtemps alterné. C’est à croire que les téléspectateurs ne regardent pas forcément ce qu’ils disent aimer.

C’est d’ailleurs ce que Bernard Pivot faisait remarquer dans son livre Remontrances à la ménagère de moins de cinquante ans, paru aux Éditions Plon en 1998. Quand on les interroge dans les sondages, les Français jurent s’intéresser aux émissions culturelles alors que certaines d’entre elles enregistrent des scores véritablement minuscules, franchissant difficilement le cap des 100 000 férus. On les maintient ainsi parce qu’elles remplissent une « mission de service public » … mais cela rappelle aussi la remarque de Louis Bériot, ancien directeur des programmes de France Télévisions : « Je ne vois pas pourquoi nous conserverions des programmes s’ils font la même audience que la mire. »

Mais parfois, le phénomène inverse se produit à la télévision. Dans les mêmes sondages, des personnalités ralliant les foules sont rejetées par une part importante du public quand elles sont à l’antenne. Du temps où son talk-show On ne peut pas plaire à tout le monde, faisait les beaux soirs de France 3, de 2000 à 2006, Marc Olivier Fogiel était « le mal aimé ». Chaque année, il faisait partie des listes des vedettes de télévision les plus antipathiques, avec parfois la première place du podium. Surnommé le « roquet » par ses ennemis, il cultivait un style acide qui captait l’intérêt et suscitait l’agacement à la fois. On « regardait Fogiel » avec une sorte de distance critique à son sujet ! Cela rappelle Cyril Hanouna aujourd’hui, dont l’ultra-popularité est indiscutable, mais qui est bien souvent la cible de sondages désastreux, qui le ridiculisent ou le pointent du doigt. Les téléspectateurs aiment-ils donc regarder ceux qu’ils détestent ?

Patrick Roy, brisé en pleine gloire

Parfois, parfois seulement, car la popularité est souvent plus univoque. Le 18 février 1993 restera à jamais un soir glacial. Les Français sont sur les routes des stations de ski. Les vacances ont débuté pour un grand nombre d’entre eux. Le journal de TF1 s’ouvre alors sur une nouvelle retentissante, à laquelle seul le cercle très fermé des amis du concerné s’attendait. A 40 ans, Patrick Roy, l’une des stars montantes de la chaîne, a perdu la partie face au cancer des os qui le rongeait depuis des mois.

L’animateur du Juste Prix depuis 1988, d’Une famille en or et de Succès fous depuis 1990, trois programmes particulièrement fédérateurs de l’époque, s’est éteint, à la stupéfaction du public et des gens du métier. Une mort si foudroyante laisse un grand vide, même si Patrick Boyard, alias Patrick Roy depuis ses débuts sur RMC, avait disparu de l’antenne en septembre 1992, hospitalisé d’urgence après des maux de dos terribles lors de vacances en Corse. Bernard Montiel et Philippe Risoli l’avaient respectivement remplacé au pied levé à la présentation d’Une famille en oret du Juste prix.

Mais malgré sa popularité indiscutable, Patrick Roy n’avait jamais eu les faveurs de la presse, qui lui préférait largement les rois du prime time, Patrick Sébastien et Patrick Sabatier en première ligne. Pour la première fois, en ce mois de février, il se retrouve en couverture de tous les hebdos télé et de tous les magazines people. On s’intéresse à sa vie amoureuse avec Karine, sa compagne, au chagrin intarissable de ses parents, qui l’ont accompagné jusqu’au bout dans ce calvaire…

Jean-Pierre Foucault, son ami de toujours, se confie sur des pages et des pages tandis qu’Étienne Mougeotte lui rend un hommage digne d’une véritable star. TVSD, le supplément télé de VSD, titrera même, quelques semaines après cette mort si brutale « En a-t-on trop parlé ?  », en se prêtant alors à un véritable examen de conscience déontologique. Il est, en tous les cas, certain que la cote d’amour de l’animateur avait été mal évaluée de son vivant et que son décès a laissé un regret inattendu derrière lui, un regret comparable à celui généré par la disparition de chanteurs et d’acteurs, ayant marqué le patrimoine artistique national.

Marie-Ange Nardi, camelot sur TF1

Mais on peut également goûter une cote d’amour exceptionnelle, sans pour autant avoir connu une véritable gloire médiatique. C’est là l’arbitraire des décideurs, qui ne portent pas toujours un vif intérêt aux choix du public. Marie-Ange Nardi est l’exemple parfait de cette méprise. Avec Évelyne Dhéliat, cantonnée à son rôle de présentatrice météo depuis des années, celle-ci est l’une des rares speakerines à avoir pu se délester de son image de « potiche ».

En 1993, alors qu’elle fête ses 33 printemps, Marie-Ange Nardi est plébiscitée comme aucune de ses consœurs. Pas de doute, le public veut la voir plus souvent à l’antenne. Et pour cause ! Elle est alors sous-employée par France 2, qui ne lui offre qu’un rôle de maître-mot dans Pyramide. Certes, le jeu est déjà emblématique, mais aucune femme ne parvient alors à présenter des émissions à la mesure de sa popularité. Les sondages se multiplient en faveur de Marie-Ange Nardi, mais il faudra attendre trois années supplémentaires pour que celle-ci accède à une présentation en solo : celle de Qui est qui ?, un nouveau jeu, né le 9 janvier 1996 et destiné à muscler l’access prime time de la chaîne .

Ne nous y trompons pas cependant : malgré les audiences au beau fixe de ses deux apparitions sur la grille de France 2, Marie-Ange Nardi ne se verra confier aucun divertissement régulier en première partie de soirée. Ses propositions de magazine seront refusées les unes après les autres, comme si elle n’avait aucune légitimité.

En 2007, après avoir écumé d’autres jeux quotidiens (Millionnaire, La cible), Marie-Ange Nardi est remerciée sans autre forme de procès. « Après tout ce temps à l’antenne, toutes ces années de partage et de fidélité, je m’attendais à un peu plus de considération » constatera-t-elle, laconique, au moment de son éviction. Aujourd’hui, à 61 ans, Marie-Ange Nardi est la présentatrice de Télé Shopping sur TF1. Elle n’aura ainsi jamais été employée à sa juste valeur...

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