Alexia Laroche-Joubert (Une saison au zoo) : « Je suis tombée de mon siège quand j’ai vu les audiences »
Avant Une saison au zoo, Alexia Laroche-Joubert produisait, via Banijay Productions France, Véto Junior. Pour la première fois, des producteurs se lançaient dans une nouvelle écriture. De cette expérience, la productrice a poursuivi en appliquant le même modèle en filmant le quotidien d’un parc zoologique. Un rythme très dense qu’elle espère voir fleurir dans le monde entier à la suite du prochain MIP. Tandis que le tournage de la saison 2 est terminé depuis le 2 octobre, Alexia Laroche-Joubert dresse un bilan, naturellement positif, de son émission qu’elle considère comme une « énorme satisfaction ».
Tony Cotte : Quelle est la particularité de travailler sur une chaîne du service public, qui plus est en pleine mutation ?
Alexia Laroche-Joubert : Pour bien connaître les cibles, je sais que c’est compliqué de marier l’univers des enfants et celui des jeunes adultes. L’environnement d’un parc zoologique a l’avantage de garder les petits et séduire les adolescents. Notre émission fait ainsi la transition entre une audience plutôt jeune et une plus âgée. Le parti pris de France 4 est assez osé, mais je pense que c’est avec des programmes comme Alcootest que la chaîne teste sa nouvelle ligne éditoriale. Nous, on est pile-poil la courroie de transmission, voire un vecteur de réunion.
L’émission étant particulièrement appréciée des enfants, prend-on des gants pour aborder certains sujets, comme la mort d’un animal ?
En réalité, ça a été plus compliqué quand on a produit Véto junior. À l’origine, tout vient de ce programme. On a rencontré une vraie difficulté dans le traitement avec des animaux mal en point et des problèmes comme celui de l’euthanasie. Sur Une saison au zoo, mis à part le perroquet, nous n’avons pas rencontré de telles situations.
La saison 2 a eu le droit à un coup d’envoi en première partie de soirée : comment l’avez-vous abordé ?
[Elle s’exclame] 750 000 téléspectateurs, c’est dingue ! Nous n’avions pas pensé à faire du prime-time. Ça a été une demande de la chaîne pour le lancement de la nouvelle saison et pour bien resituer le téléspectateur. On ne s’attendait pas à faire un tel score ; je suis tombée de mon siège quand j’ai vu les audiences.
« J’ai de vrais stagiaires qui sont dans un zoo. Je ne crée pas une fausse situation »
Plusieurs changements ont été opérés pour cette nouvelle salve. Ont-ils été le fruit de quelconques études ?
On s’est dit qu’il fallait apporter des éléments nouveaux, dans la mesure où il y a eu peu de rupture à l’antenne. Mais on fait notre métier sans les études ; je me méfie d’elles justement. J’ai toujours travaillé à l’instinct. Nous avons surfé sur ce qui se passe vraiment au zoo et qui n’apparait pas lors de la première saison : les stagiaires. Souvent les soigneurs sont seuls. On avait ce souci de ne pas montrer le principe de la transmission. Nous les avons recrutés par le biais d’organismes qui forment aux métiers de soigneurs. On a pu avoir un échange, une communication, utile pour permettre au jeune public de comprendre les différentes tâches.
Les commentaires sur les réseaux sociaux sont, à la très grande majorité, positifs. Les rares critiques concernent l’aspect « télé-réalité » qui aurait pris le pas avec la Maison des stagiaires et leur vie en dehors du parc…
Si j’en suis à montrer une maison et que c’est de la télé-réalité… Je comprends que certains aient pu avoir peur. Mais ça ne pouvait être qu’une appréhension et non la réalité. On raconte la vie de stagiaires et de soigneurs. D’ailleurs, dans la première saison, on a pu suivre un petit peu ces derniers en dehors du cadre du travail. C’est un métier de vocation qui se passe, l’air de rien, en huis clos. Cela crée un esprit de confraternité et cet aspect est aussi important à montrer. Pour produire énormément de télé-réalité, je peux dire qu’elle est stimulée. Ça n’existe pas douze Ch’tis parcourant le monde pour travailler dans les boites de nuit. Là, j’ai de vrais stagiaires qui sont dans un zoo. Je ne crée pas une fausse situation.
Savez-vous si le succès de l’émission complique le tournage ?
On a traité cette question dans un épisode avec les autographes signés par les filles du bassin des otaries. Mais c’est la réalité de ce qui se passe. Quand j’ai été sur place, mes filles voulaient absolument voir Glue [nom d’une femelle singe Saïmiri, ndlr]. Les animaux sont devenus des héros à part entière. Et comme il s’agit d’une écriture de documentaire, on raconte réellement les faits. En revanche, je ne le ferais pas avec les Ch’tis.
Partie 2 > Les autres saisons, l’érosion des Ch’tis...
Vous voyez-vous proposer de nouvelles saisons dans un autre parc zoologique ?
La force de ce type de programmes, c’est l’attachement aux personnes qui composent l’équipe. Il faut donner des nouvelles ; les téléspectateurs sont en appétence. Il faut également que l’émission se repose et que l’on reste sur une programmation événementielle. De toute façon, on ne peut pas tourner 365 jours. Ce sont des gens comme vous et moi et un épuisement intervient. C’est compliqué d’être suivi par des caméras, malgré notre extrême discrétion.
Avez-vous été approchée par d’autres parcs pour filmer leur quotidien ?
Je sais que certains ont regretté de ne pas avoir été choisis. À l’origine, on a visité plusieurs lieux. Le zoo de La Flèche est géré par un homme, lui-même ayant acquis le parc de son père. Il y a une incarnation avec une démarche de modernisation, tandis que de nombreux autres lieux sont liés à des actionnariats qui sont des institutions privées. Grâce au leadership de cet homme, on retrouve ici une vraie ambiance, un supplément d’âme. Le programme est très juste, car il est incroyablement authentique et c’est le seul, toutes chaînes confondues, qui défend la valeur de travail. C’est simple pour une maman de mettre son enfant devant Une saison au zoo. C’est idiot, mais en terme d’éducation, autre les animaux, j’ai quelque chose à dire à mes enfants avec cette émission.
De quoi contrebalancer avec vos Ch’tis…
Il faut bien que je compense, oui ! [Rires.] Plus sérieusement, les Ch’tis et les Marseillais travaillent, c’est justement ce qu’on raconte dans le programme, mais il y a une notion de fête qui est évidemment plus ludique. Je ne peux même pas faire la comparaison. Mes Ch’tis, je les adore, mais on les loge dans des conditions improbables. On n’est pas du tout dans le même type de vocation.
« Le programme est très juste, car il est incroyablement authentique et c’est le seul, toutes chaînes confondues, qui défend la valeur de travail »
Cette saison, les Ch’tis affichent une incontestable érosion de leurs audiences. Comment l’expliquez-vous ?
Il faut déjà souligner que nous n’étions pas aux mêmes horaires, la concurrence est plus difficile. Nagui fait d’excellents scores sur France 2 et Le Maillon faible est performant. Après se pose peut-être la question de l’acceptation des Belges par le public français. Mais en étant tout de même aux alentours de 6/7% de part d’audience auprès des ménagères, nous ne sommes pas inquiets.
Au fil des années, vous avez assisté à une véritable transformation du paysage audiovisuel. Peut-on dire que votre métier est plus difficile aujourd’hui ?
Incontestablement et par de nombreux aspects. En étant producteur indépendant, ce qui est intéressant contrairement à Studio 89 et TF1 Productions, je travaille avec différents clients et je défends différents esprits. Je ne vais évidemment pas proposer Une saison au zoo à W9. Plus il y a de diffuseurs et plus vous avez la possibilité de placer des programmes auxquels vous croyez. Néanmoins, comme les chaînes sont en totale concurrence les unes avec les autres, et compte tenu de la baisse de leurs recettes publicitaires, vous avez une pression énorme sur vos épaules. L’autre aspect difficile est la présence de certaines filiales qui n’existaient pas il y a quatre ans. Avant, vous aviez accès aux formats de BBC, ITV et Shine. Aujourd’hui, ils ont une exclusivité sur leur catalogue, ce qui est normal. J’ai donc une société qui fait 70% de créations françaises et je ne vous cache pas que nous ne sommes pas nombreux à avoir le chiffre d’affaires que j’ai dans ces conditions.