Stéphane Tortora, la voix de Sport 6, distribue ses cartons rouges

Si son visage n’est pas connu du grand public, sa voix ravit des millions d’amateurs de sports chaque dimanche soir depuis près de 20 ans. Stéphane Tortora, est « le papa de Sport 6, et c’est mon seul garçon, car je ne fais que des filles à la maison ! », selon ses propres termes. Pour la 1000ème, ce dimanche 7 décembre, l’émission accueillera Alain Bernard, double médaillé olympique de Pékin. « Une évidence » selon le présentateur, le qualifiant également d’« homme intelligent et passionnant ». L’occasion pour Toutelatele.com de revenir sur cette belle aventure, au terme d’un entretien ponctué d’humour et exempt de toute langue de bois...
Emilie Lopez : Vous êtes le créateur de Sport 6. D’où est venue l’idée de ce « flash d’information sportive » ?
Stéphane Tortora : En regardant le 6 minutes. Je me suis dit que ce serait sympa d’avoir une formule calquée là-dessus en sport, où les infos défileraient très vite. Néanmoins, à la différence du 6 minutes, je ne voulais pas passer par des titres qui engendrent la rubrique, mais par des sons de sport.
L’idée de ne pas mettre de présentateur, mais une voix off, vient-elle également de vous ?
Oui complètement, tout vient de moi ! (rires) L’idée était de gagner du temps, et c’était plus simple de faire une émission toute en images. Je n’ai aucun ego personnel, je ne me dis pas « c’est dramatique on ne me voit pas ! ». Il n’y a que pour ma grand-mère, qui a 89 ans, et qui regarde chaque semaine. Pour elle faire de la télé en n’étant qu’une voix, c’est terrible ! (rires) Du coup, je lui ai installé une jolie photo de moi au dessus de sa télé, pour moins la frustrer ! (rires)
Vous n’avez donc jamais fait d’antenne ?
Si, très souvent, au début de la chaîne notamment. J’ai fait des plateaux, commenté des matchs de foot il y a trois ans... Ça ne me gêne pas de le faire, mais dans la structure de Sport 6, à aucun moment je n’ai ressenti le besoin de ralentir le rythme de l’émission en me mettant en scène. Il n’y a que certaines téléspectatrices, qui écrivent à la chaîne, car elles veulent voir la tête qui se cache derrière la voix ! (rires)
En définitive, vous ne travaillez que le week-end !
J’aimerai bien ! Mais je ne m’occupe pas seulement de Sport 6, je fais aussi de la rédaction en chef du 6 minutes. Ma semaine est calée sur 4 jours très intenses, du vendredi au lundi soir, ce qui fait au total au moins 60 heures !
L’une des rubriques phares est celle du « Carton Rouge ». Comment l’avez-vous imaginée ?
Je voulais un ton très direct, dire quand ça me plaisait et quand ça me plaisait pas. Je le fais dans toutes les rubriques, mais surtout dans le « Carton rouge ». Et cela suscite beaucoup de réactions, puisqu’on a même maintenant un groupe sur FaceBook ! Ils s’appellent « L’amicale du carton rouge Sport 6 » et parient chaque semaine sur celui que je vais mettre. On imprime tout ce qu’ils écrivent sur nous, on rigole bien !
Vous souvenez-vous d’un « Carton rouge » vous ayant particulièrement marqué ?
Il y en a eu certains plus émouvants que d’autres. Je me souviens d’un garçon, Christophe Huchet, qui nous a contactés. Il est amputé des deux bras, et il nageait avec des gens valides. Mais il s’était fait disqualifier car il ne pouvait pas toucher la piscine de la main à l’arrivée ! On était content de l’aider, car il nous a vraiment émus, et c’était tellement injuste ! Suite à cela, on a modifié le règlement, et ça, c’est un carton rouge utile, car il y a eu une suite...
Trouvez-vous toujours de la matière pour votre « Carton rouge » ?
Le drame, c’est justement qu’on n’en est jamais à court ! Le sport moderne engendre chaque semaine des excès et des débordements, et on a toujours un choix. Mais j’essaye d’être le plus proche de l’actu, sauf cas exceptionnel. On commence le montage le samedi à 16 heures, mais jusqu’à une heure de la diffusion nous pouvons changer, s’il se passe quelque chose de terrible. Par exemple, récemment, l’histoire d’Eto’o, qui a essuyé des cris de singe lors de la rencontre Malaga / Barcelone. On a annulé ce qu’on avait fait, et on a réfléchi à partir de 23 heures sur un autre carton rouge à propos de ces supporters crétins et racistes...
Diriez-vous qu’il y a plus matière à trouver des sujets pour votre « Carton rouge » dans le football que dans d’autres sports ?
Forcément, c’est l’un des sports les plus populaires, donc il y a sans doute une loupe plus « grosse » dessus, parce qu’il a engendré dans le passé un peu tout ce qu’il y a dans le carton rouge : la triche, le dopage, les matchs truqués, la corruption... Il remplit à peu près tous les critères de la rubrique ! (rires) Personnellement, ce qui m’agace profondément, c’est l’attitude de certains joueurs très stéréotypés, qui sortent des cars avec leur casque sur les oreilles, qui ne saluent pas les gens... Ça me choque, c’est très impoli et très hautain cet enfermement.
Êtes-vous prêt également à dénoncer les autres médias, dans vos « Cartons rouges », comme par exemple vis-à-vis de Laure Manaudou ?
Bien sûr, on l’a fait, on l’a défendue, notamment sur l’histoire des photos intimes qui ont été dévoilées. Mais par la suite, elle a été moyenne avec nous, parce que lorsqu’elle a rejoint Marseille, j’avais calé un direct dans le 12.50 avec elle. Mais elle nous a plantés, car elle trouvait que le plateau n’était pas assez joli pour elle ! (rires) Elle a été un peu ingrate, faudrait que je lui envoie la facture pour qu’elle voit ce que c’est d’avoir déplacé un car pour avoir juste une vue vide ! (rires)
Que pensez-vous de l’attitude de certains médias à l’égard des sportifs en général ?
Je trouve que nous, les médias, leur en demandons beaucoup. Il faudrait qu’ils soient très bons sur le terrain et des bêtes de communication. Pour les cyclistes par exemple, tout juste descendus de leurs vélos, ils devraient être à peine en sueur, pour répondre à des questions et faire de jolies phrases sans faire de fautes de français. Mais ils ont généralement une culture assez mince, car ils ont tout donné à leur sport, et ont malheureusement pour eux eu très peu d’instruction... C’est la même chose pour les footballeurs ! Donc j’ai plutôt tendance à les défendre...
Vos « Cartons rouges » vous ont-ils déjà porté préjudice ?
Nous n’avons jamais eu de procès, mais on a été punis, souvent, notamment par des entraîneurs qui ne nous donnaient plus accès pour tourner. Le sport est un milieu qui n’a pas l’habitude d’être caressé à rebrousse-poil, c’est un milieu très lisse, où ils sont toujours les plus beaux, les plus forts, les plus intelligents ! Donc quand vous dites devant 3 millions de personnes ce qui ne va pas, il y a des conséquences ! On en a pris des coups suite à des « Cartons rouges » ! Heureusement, il y a toujours eu des menaces, mais jamais de procès.
La chaîne vous-a-t-elle déjà, elle aussi, « puni », d’une façon ou d’une autre ?
Non, pas du tout. Le truc le plus embêtant qu’on ait eu, c’est un « Carton rouge » que l’on a fait lorsqu’il y a quelque temps, la Marseillaise a été sifflée. On nous a menacés, et on a dû porter plainte. J’ai été obligé de me mettre sur liste rouge, car je recevais pas mal de coups de fil « sympathiques » la nuit, et des lettres, disons, désagréables, où on me promettait un peu ce que dont parlait le texto du fils de Nicollon ! (rires)