Simon Astier (Hero Corp) : « La saison 4 sera nerveuse ! »
Ressuscitée en 2013 par France 4 pour le plus grand bonheur de ses nombreux fans, la série de super-héros française Hero Corp est repartie en tournage cet été pour une saison 4 proposé tous les vendredis à 23h15 sur France 4, dès ce 19 décembre. A Rochefort, Toutelatele a pu s’entretenir entre deux scènes avec son créateur, Simon Astier.
Marion Olité : Quel est le ton de cette quatrième saison ?
Simon Astier : C’est la saison de la rédemption pour John, et tous les personnages d’ailleurs. J’avais amorcé ce thème dans la saison 3. On va aller plus loin, et jusqu’au bout de tout ça. Ils vont tous être obligés de changer de peau. Ils ne peuvent plus rester sur ce qu’ils sont, dans leur confort et leur vie d’avant. Chacun va devoir prendre des décisions.
Que pouvez-vous nous dire de plus sur les intrigues de cette nouvelle saison ?
La saison 3 était tendue, la saison 4 sera nerveuse. On tourne tous les jours de séquences de baston. John va dans une direction certaine en fin de saison 3. Ceux qui se sont fait arrêter par Hoodwink se retrouvent en prison. J’avais bien aimé dans la saison 3 le fait d’avoir un groupe principal, et d’autres personnages en charge d’une intrigue secondaire. Je l’ai refait cette saison, en éclatant encore plus le groupe. Il y aura plein d’entités. On n’aura pas un méchant, mais des nouveaux méchants. Tout le monde vit sa propre histoire, et tout se croise et se rejoint à la fin.
John était le point de repère de la série, celui auquel le téléspectateur pouvait s’identifier. N’avez-vous pas eu peur de la réaction des fans en faisant de ce personnage un méchant ?
Si, énormément. En saison 3, on revenait après trois ans d’attente. Je me suis lancé en me disant qu’il ne fallait pas faire une saison molle. J’avais envie de tout casser, parce que c’est plus intéressant aussi. En parallèle, le groupe principal vit des moments positifs et touchants, et ses membres sont sauvés par leur solidarité. Alors que John, qui se pose des questions sur son appartenance, chute. J’ai eu peur de trahir les gens, mais en fait non. On est tous habitué à voir des séries maintenant, et à ce que les choses changent. Ma question c’était : jusqu’où je vais avec le côté méchant de John ? Ce sujet a été soumis à beaucoup de réécriture. C’est dur pour une série regardée par des jeunes de mettre des morts à l’écran par exemple. Et quand le héros se met à tuer, c’est super chelou en fait (rires) !
Aimez-vous jouer le rôle du méchant ?
C’est super agréable de jouer les méchants, mais pas dans Hero Corp. Je ne suis pas du tout le genre d’acteur à me noyer dans mes rôles, mais c’est assez glauque à jouer d’être toujours le mec qui fait la gueule, qui est en dehors du groupe. C’était chiant (rires) !
« C’est super agréable de jouer les méchants, mais pas dans Hero Corp »
En terme de moyens et de conditions de tournage, y a-t-il du changement ?
On a le même budget, mais on a complètement changé la manière de travailler. C’est un risque. On va plus loin que ce qu’on est censé faire avec ce qu’on nous donne, pour rentrer davantage dans les codes de fiction qu’on aime. On a tordu les chiffres dans tous les sens pour monter en exigence au niveau de la mise en scène. Je prends plus le temps de travailler. L’équipe technique est la même depuis le début de la série, mais on ne fait plus de séquences d’abattage. J’ai une équipe B cette année qui s’occupe de petites séquences. On arrive à un peu moins de minutage par jour. C’est notre challenge : comment toujours faire mieux avec très très très peu !
Quelles sont vos ambitions avec le transmedia pour cette saison ?
On essaie de construire une autre partie de l’histoire, qui va se raconter en parallèle de la série, à travers une application sur tablettes et smartphones. Ça se passera pendant la diffusion de la saison 4. Et avant, on va aussi proposer un « entre-deux-saison », qui sera une web fiction. Il y a différents blocs dans ma tête : la série à l’antenne, l’après-saison et l’autre branche pendant la saison. Cette série a un univers très large. Elle a vraiment vocation à faire du transmedia. Hero Corp vit avec beaucoup de personnages, et beaucoup d’intrigues. J’adore naviguer dedans, et développer cet univers. J’ai d’autres projets en cours où le transmedia ne sera pas présent, mais Hero Corp est vraiment fait pour. Il y a d’ailleurs une partie complète de l’intrigue qui sera sur le web, avec Klaus comme personnage principal.
Est-ce une façon de palier à l’absence de Alban Lenoir dans cette saison 4 ?
C’est une façon de prendre une contrainte, et de la transformer en une invention qui serve l’histoire. C’est valable pour tout Hero Corp. Le transmedia a bien fonctionné l’année dernière. On a vraiment trouvé notre public. Il aime les mêmes choses que nous. Donc on cherche des trucs qui nous fassent marrer, et on se dit que les fans suivront aussi. On a eu la chance qu’ils nous suivent jusqu’ici.
Hero Corp est maintenant installée dans la grille de France 4. Vous sentez-vous en sécurité avec la série ?
J’étais super tendu pendant la saison 3. Quand on a tourné le dernier plan, je me suis vraiment dit : « C’est la fin de Hero Corp, on a eu de la chance de la relancer ». J’étais malheureux. Ça a été un vrai ascenseur émotionnel. Cette saison 4, je la savoure mieux. Ce n’est plus du repêchage. J’ai eu le temps de réfléchir, et de la maturer. Je la vis plus sereinement. Mais Hero Corp reste un combat, même si je m’entends très bien avec France 4.
Partie 2 > La collaboration avec France 4 et L’avenir de Hero Corp
Comment se passe la collaboration avec France 4 ?
On espérait rentrer dans les plans du nouveau France 4, et pour le moment, c’est le cas. On a un vrai rapport très positif avec eux. Pendant les réunions, on parle de scénarios et des personnages. Avec Ronan de Longraye (Conseiller de programmes aux acquisitions, ndlr), qui suit la série depuis le début chez France 4, on évoque des choses très précises de l’histoire. Ils ne me disent jamais des trucs comme : « Faudrait qu’on mette des guests, ce serait bien pour la presse » ou « C’est un peu segmentant ce que tu écris ! »
Hero Corp ne s’adresse-t-elle pas à un public spécifique selon vous ?
Non, je ne pense pas que Hero Corp soit segmentant. Des personnes très différentes viennent m’en parler de la série dans la rue. Le diffuseur a souvent cette inquiétude d’être trop sur une série de niche. On dit par exemple que c’est une série de mecs, mais c’est hallucinant le nombre de nanas qui regardent Hero Corp. Le public féminin, on l’a déjà conquis. De toute façon, pour France 4, ce qu’on fait correspond à leur cible. C’est un mariage cohérent. On se correspond beaucoup plus qu’avec Comédie d’ailleurs (le premier diffuseur de Hero Corp, ndlr). Heureusement qu’il existe encore des chaînes comme France 4, qui ne se posent pas ce genre de questions. Ailleurs, les espaces de création diminuent toujours un peu plus. Quand on a vu arriver la TNT au début, on se disait : « Cool, on va avoir de nouveaux espaces pour créer, et moins dépendre de la mauvaise course à l’audience ». Au final, de nombreuses chaînes de la TNT sont en train de reproduire le schéma des chaînes hertziennes. Elles rediffusent des vieilles séries et ne donnent aucun crédit à la fiction. En fait, je travaille avec la seule chaîne qui se permet d’avoir une programmation audacieuse. Et j’espère continuer avec France 4 le plus longtemps possible.
Qu’avez-vous pensé des audiences réalisées par la saison 3 sur France 4 ?
Tout s’est très bien passé de notre côté. Le pari de France 4, mettre Hero Corp en access prime time, était super audacieux. C’est sûr que les chiffres ne sont pas comparables avec ceux de Scènes de ménages par exemple. Si on nous prend pour ce qu’on est, et qu’on regarde ce qu’on a fait sur la longueur, c’est super bien pour nous. On est ravi, et c’est pour ça qu’on est là aujourd’hui. Il n’y a pas eu dix mille discussions entre la chaîne et nous pour la saison 4. C’était du genre : « On est content, allez les gars, on est reparti ! ».
« Hero Corp reste un combat, même si je m’entends très bien avec France 4 »
Quel est le plan pour la suite de Hero Corp ?
Je sais où va l’histoire depuis le début. Disons que ça a un peu changé avec la saison 3 et la trajectoire de John. J’imagine maintenant une fin différente. Le fait d’avoir changé de format deux fois ouvre le champ des possibles. Ça peut être une saison 5 et un téléfilm de 90 minutes de fin et encore autre chose derrière. On tournera peut-être une saison 5 et une saison 6... Tant que j’ai de l’espace pour faire de la fiction, le format ne m’importe plus vraiment.
Le choix d’un format de sept minutes sur la saison 3 était-il pertinent avec le recul ?
C’est la première chose dont j’ai discuté à la réunion bilan de la saison 3. J’aimais bien la version de 35 minutes, c’est-à-dire les sept minutes compilées de la semaine. Mais je ne voulais pas être dans une dynamique de programme court. Je voulais du feuilletonnant, et faire monter la sauce jusqu’au final. Je « bourrais » mes sept minutes jusqu’à l’asphyxie. J’ai donc demandé à changer de format. France 4 a accepté. C’était un gros coup de panache de faire de l’access.
À part cette histoire de format, avez-vous des regrets sur Hero Corp ?
Quand je suis dans le bouillon, une petite voix me dit que je suis au max de mes possibilités. Avec le recul, quand la saison arrive, je me dit que j’aurais pu faire autrement, que j’aime moins telle partie etc. C’est le principe de ce métier aussi. J’essaie toujours de monter une marche d’années en années. Je pense qu’on se pose les bonnes questions sur Hero Corp. On n’a pas d’égo dans l’équipe. Cela permet de s’améliorer constamment.
Globalement, qu’avez-vous appris avec Hero Corp, qui est une aventure au long cours ?
Pour faire ce métier, il faut des raisons qui te rendent heureux sur le long terme. Aller travailler pour défendre quelque chose qui te tient à cœur. C’est super important pour moi de bâtir des projets avec des personnes qui se rassemblent. J’adore l’équipe, je crois en sa force. C’est ce qui résume Hero Corp. J’ai grandi avec Hero Corp. J’ai commencé la série à 23 ans, et j’en ai 30 aujourd’hui. Je me rends compte maintenant que je pose tout ce décorum fantastique pour raconter des choses profondément humaines. À une époque de ma vie, ça m’échappait. Je ne pensais qu’aux super-héros, aux pouvoirs. Maintenant, j’en ai conscience, et je veux aller dans ce sens, aborder des problématiques qui me touchent. Mais en tant que spectateur, pour me fondre dans une histoire, il faut que ça ne ressemble pas en bas de chez moi. C’est très personnel, mais je préfère quand il y a des monstres, des bêtes et des pouvoirs (rires) !