Raphaël Lenglet (Après la nuit) : « Si c’est uniquement pour jouer une enquête banale, je n’en veux plus »


Raphaël Lenglet campe le rôle de Romain Novak dans la série Après la nuit sur France 2 dès ce lundi 10 mars 2025. L’acteur s’est confié sur ce projet auprès de Toutelatele et comment il lui a permis de reconsidérer son aventure dans le genre policier. Rencontre.
Emmanuel Lassabe : Vous incarnez Romain Novak dans la série Après la nuit sur France 2. Ce policier est de retour dans sa ville auprès de sa mère et de sa sœur après plus de dix ans d’absence. Mais pour quelles raisons ?
Raphaël Lenglet : C’est évoqué, il a de gros problèmes d’alcoolisme. Clairement, il a perdu sa place. Il est plus que sur la sellette, et on comprend qu’il n’a plus de domicile. En fait, ce retour est expliqué par le fait qu’il n’a nulle part où aller. C’est un endroit qu’il a quitté il y a onze ans, après un gros clash lors du mariage de sa sœur. Il a besoin de clore certaines choses, car le personnage est clairement brisé par la vie. Romain s’inscrit dans un passé à résoudre et un présent problématique.
Est-ce pour sa famille qu’il arrive à résister autant qu’il peut à l’alcool ?
Finalement, en essayant d’aider sa sœur, il s’aide aussi lui-même. Sa démarche n’est pas altruiste, mais cela lui donne un cadre pour ne pas replonger dans l’alcool. C’est tout ce que je me suis raconté pour préparer le rôle. Il exprime mal son amour pour sa mère et sa sœur. C’est quelqu’un de très torturé.
Romain Novak devient-il une sorte de garde-fou pour Karine ?
Il a été brillant en criminologie et, lorsqu’il n’est pas pris par ses propres démons, on assiste à des éclairs de ce qui a été son talent, notamment dans la gestion de sa collègue, qui est elle aussi torturée par ses propres blessures.
« La sœur de Romain ouvre une porte vers le pardon et la résilience »
La série renferme un secret de taille. Pourquoi ce silence est-il si difficile à briser ?
C’est un secret de famille très douloureux qui implique son père, aujourd’hui décédé, ainsi que sa sœur. On comprend en filigrane qu’ils ont eu un père très violent. Le secret, qui concerne la mort du père, est justifié. Il y a des non-dits, mais Romain essaie de s’en libérer. Il a besoin d’en parler avec sa mère, qui est dans le déni. C’est un sujet très intéressant.
Cette enquête est finalement mise au second plan dans cette série. En parallèle, on a ce portrait et cette torture des victimes. Pourquoi ce choix ?
Au-delà de l’enquête, qui est finalement accessoire, on assiste à un portrait d’humanité. Que ce soit les victimes, Romain, ou les personnages secondaires, ils ont tous une dimension très humaine. Je trouve que c’est une série sur la résilience, bien plus qu’une série sur les violences sexuelles inspirée d’un fait divers connu. Ce sont avant tout des personnages qui ont une vraie évolution et une réelle profondeur psychologique. C’était un travail en nuances, avec beaucoup d’émotions exprimées dans les silences.
Cette révélation dans le dernier épisode ouvre la boîte de Pandore. Que ressent ce personnage à ce moment-là ?
On comprend que Romain est à deux doigts de répéter le même schéma que dans son enfance, en cachant la vérité et en n’appelant pas les secours. Mais la situation s’inverse, et c’est sa sœur qui le libère de cette torture, bouclant ainsi la boucle. Elle ouvre une porte vers le pardon et la résilience. C’est à ce moment-là que la série devient plus lumineuse, après cette résolution.
« S’il y a d’autres rôles avec une vie aussi chargée et une intrigue aussi prenante, je signe demain »
Sa venue chez sa mère va-t-elle lui permettre de laisser son addiction derrière lui et de tirer un trait sur son passé ?
Je ne suis pas persuadé que Romain soit sauvé, car il n’est pas avec le groupe et on le revoit partir seul. Il y a ce côté tragique et solitaire en lui, on sent qu’il n’est pas touché par cette résilience. Il reste hanté par ses démons et son passé.
Avez-vous abordé ce rôle comme dans un film policier classique ?
Je ne l’ai pas abordé comme un rôle de policier, car pour moi, l’enquête n’avait aucun intérêt du point de vue du jeu. Ce qui m’importait, c’était ce que traversait Romain, ce qu’il avait vécu. C’était bien plus intéressant à interpréter. Je n’ai rien contre le genre policier, mais je suis lassé des polars purement structurés avec un cadavre, des interrogatoires, un suspect qui craque à la fin, et générique. J’en ai beaucoup fait, et j’ai envie d’autre chose.
Est-ce que ce rôle de Romain Novak vous a réconcilié avec les rôles de policiers, à l’instar de Candice Renoir ?
Avec Après la nuit, on réconcilie les deux genres : il y a un polar, mais aussi des personnages en trois dimensions, qui ne sont pas manichéens et qui ont un passé chargé. Ce que j’aime, c’est pouvoir amener autre chose que du factuel d’enquête. Ce projet m’a réconcilié avec le genre, car j’y vois une certaine évolution. Certes, il y a des policiers qui enquêtent, mais ce sont avant tout des êtres humains avec de vrais enjeux. Le spectateur est nourri de tout cela. Je trouve ça beaucoup plus dense et plus riche. S’il y a d’autres rôles avec une vie aussi chargée et une intrigue aussi prenante, je signe demain. En revanche, si c’est uniquement pour jouer une enquête banale, je n’en veux plus.