Philippe Chéreau / Christophe Agius (Survivor Series 2015) : « Proposer les PPV en direct, c’est un véritable cadeau offert aux fans »
Chaque semaine, le duo Christophe Agius/Philippe Chéreau commente les shows de catch américain de la WWE sur RTL 9, et en direct sur AB1 lors des PPV. Pour Toutelatele, les deux hommes sont revenus sur ce divertissement incontournable aux États-Unis, qui est perçu très différemment en France.
Joshua Daguenet : Comment née une passion qui est ancrée dans la culture américaine ?
Philippe Chéreau : Je ne suis pas un passionné de catch comme Christophe peut l’être, et même si culturellement, le show américain est différent de ce qui se fait en France, on a aussi eu des anciennes gloires dans ce domaine.
Christophe Agius : Le catch est aussi ancré dans la culture française, c’est une question de mentalité de savoir apprécier ce qui nous est vendu par la WWE.
À quel moment avez-vous pu faire du catch, votre métier ?
C.A. : Je dois ce parcours à Philippe. Il est venu me chercher pour commenter le catch sur le groupe AB. J’étais le fin connaisseur dans le domaine et lui avait de l’expérience dans les commentaires sportifs. Aujourd’hui, on peut dire que notre duo est complémentaire.
P.C. : Avant de former le duo avec Christophe, je commentais déjà le sport à la radio. Et puis, j’ai trouvé quelqu’un de dynamique et connaisseur. Nous sommes complémentaires et essayons d’être efficaces et divertissants.
Sur RTL9, les épisodes de RAW, le show de catch le plus populaire, ont une semaine de retard sur la diffusion originale, est-ce un problème ?
C.A. : Etant un mordu de catch, lorsque je me réveille le matin et qu’il y a eu un show, je regarde en premier lieu les résultats et lis les résumés. Avec internet, on a accès à tout et tout de suite, mais je considère que proposer les PPV en direct, c’est un véritable cadeau offert aux fans. Les investissements sont coûteux, et il faut savoir être raisonnable même s’il y a des décalages entre les diffusions aux États-Unis et celles en France.
Comment avez-vous réagi en apprenant que vous seriez aux abords du ring pour commenter Wrestlemania XXX ?
C.A. : On ne l’a appris que la veille de l’événement. Avec Philippe, nous savions que les patrons du groupe AB étaient en négociation, et pour être honnête, on ne fondait que très peu d’espoir de se retrouver au beau milieu du spectacle.
P.C. : On a réalisé en regardant les photos sur internet qu’on serait ring-side. Mais au départ, c’est clair qu’on y a pas du tout cru, d’autant que nos négociateurs ne sont pas des connaisseurs, qu’ils n’ont pas les codes du catch et qu’à nos yeux, ils n’avaient pas la portée de ce que cela représentait.
« Le catch ne doit surtout pas être pris au premier degré »
Physiquement, quelle superstar vous a le plus impressionné ?
P.C. : Tous les lutteurs de cette compagnie dégagent une vraie puissance. On a pourtant l’habitude avec Christophe d’assister de près à des shows de catch partout en Europe, mais ceux de la WWE sont nettement plus impressionnants, ce sont de vrais mastodontes !
C.A. : Pour en ressortir un, je dirais Brock Lesnar parce qu’il y a une attente et une atmosphère autour de ce personnage. On sent qu’à tout moment, il peut se passer tout et n’importe quoi.
Depuis André le Géant, aucun français ne s’est imposé dans ce milieu. Le niveau technique en est-il la cause ou est-ce un manque de culture du divertissement ?
P.C. : Il y a actuellement Sylvester Lefort (Tom la Ruffa, ndlr) qui est employé par la WWE et qui lutte à la NXT. Autrement, le catch appartient à la culture américano-américaine. Ce n’est pas une question de personnage et de divertissement, car en France on n’a pas ce problème, mais je pense simplement que les lutteurs européens sont handicapés par leur accent. Si Cesaro était américain, il serait actuellement l’une des top stars de la compagnie. Les lutteurs européens à la WWE sont assimilés à leur accent et ils sont contraints d’en jouer.
Pourquoi le catch est-il dénigré pour ses combats truqués alors que le cinéma en fait tout autant ?
P.C. : Beaucoup de gens se moquent du catch, car c’est ridicule de voir des mecs en slip se taper dessus. Mais parmi ceux qui se moquent, combien seraient capables de se battre en slip sur le ring devant une foule, et ne pas être ridicules ? Physiquement ce sont des monstres et malgré leur tenue, ils parviennent à raconter une histoire. Le catch ne doit surtout pas être pris au premier degré.
C.A. : Pour moi, c’est une éternelle question. On peut juger une émission complètement « débile » sans assimiler tous les gens qui la suivent à des « débiles » mais c’est hélas le raccourci qui est fait. Par exemple, je ne regarde pas Secret Story, car je trouve cette émission idiote, mais je respecte le programme et ne considère pas les fans de ce jeu comme étant des idiots. Il faut voir le catch comme le blockbuster de l’été. Il y a des explosions de partout, de la bonne musique, des belles meufs. Il n’y a pas besoin de trop réfléchir, cela permet de faire une pause dans sa tête. Et l’ambiance est bonne, c’est drôle et il n’y a pas de haine ou de racisme lorsqu’on marque une préférence à un lutteur plutôt qu’à un autre.
« Les rédactions se moquent du catch, parler de la mort de mecs qui se battent en slip, elles se croient au-dessus de ça »
Lors du PPV Summerslam, votre table de commentaires a été brisée à la suite du combat Brock Lesnar/Undertaker. La WWE vous avait-elle prévenue ?
P.C. : Absolument pas. Malgré notre présence en ring-side, nous sommes complètement extérieurs aux événements qui se produisent et aux coulisses. Après, même si notre table a été cassée, nous ne serons jamais impliqués physiquement. La WWE est responsable et elle inclut dans ses scénarios, des personnes physiquement entraînées.
La fin de la streak de l’Undertaker à Wrestlemania a choqué de nombreux fans sur le moment et encore aujourd’hui. Avec le recul, la WWE a-t-elle pris la bonne décision ?
C.A. : Sur le moment, on se dit non. On se prend la tête entre deux mains et on se dit « mais pourquoi ont-ils fait ça ? ». Là non-plus avec Philippe, on y a pas cru et on a pensé que l’arbitre s’était trompé. Plus tard, on a réalisé que le vestiaire non plus n’en revenait pas. Au final, ça a été une bonne décision pour Lesnar, car en un combat, la WWE a reconstruit un personnage indestructible.
P.C. : Le seul fait qu’on en reparle énormément aujourd’hui prouve que la décision a été bonne. Le résultat a fonctionné, car cet événement était comme un spectacle de magie, surprenant et mystique.
Récemment, Dusty Rhodes et Roddy Piper sont décédés, ça ne rajeunit pas les grands fans de lutte...
P.C. : En tout cas, cela nous fait prendre conscience que l’on est là depuis longtemps. On ne peut pas être insensible à la disparition de personnes qui ont contribué à la réussite de ce que tu fais, c’est aussi une partie de ta vie qui disparait. Ce qui est frappant, c’est qu’aucun média n’a pas parlé de la mort de ces légendes. Cela prouve qu’il y a une tendance à la bien-pensance, et que tous sont préoccupés par la notion de buzz. Les rédactions se moquent du catch, parler de la mort de mecs qui se battent en slip, elles se pensent au-dessus de ça.
C.A. : Le décès d’un lutteur rend triste, c’est comme suivre le dernier épisode d’une série qu’on a adoré, en sachant qu’on ne la reverra plus.
Depuis la disparition de la WCW, aucune fédération ne parvient à rivaliser avec la WWE. Quelle en est la raison ?
P.C. : C’est simple, la WWE a racheté un concurrent millionnaire et elle s’est considérablement renforcée. La réussite de cette entreprise, c’est sa capacité à se renouveler. Elle a pris tellement d’avance qu’elle a pu se permettre de commettre des erreurs pour ensuite les gommer. Aujourd’hui, le catch proposé est un programme familial.
C.A. : La WWE a beaucoup d’avance et elle est passée en bourse. Autrefois, c’était un véritable bazar au sein de la WCW. Pas sûr que ce soit mieux aujourd’hui à la TNA qui n’a pas eu le temps de s’installer. On ne peut pas construire une machine redoutable si vite. De nos jours, la WWE a beaucoup d’argent, et elle s’est modernisée en s’ouvrant à la région Nord des USA.