Nathalie Cottet (productrice de Je t’aime etc. sur France 2) : « Ce n’est pas vivable de poursuivre cette organisation »
Je t’aime etc ; s’est interrompu sept mois sur France 2. Le magazine, animé par Daphné Burki, est produit par Franck Firmin-Guion et Nathalie Cottet. Cette dernière a commenté le retour du magazine dans les circonstances connues.
Joshua Daguenet : Comment s’est organisée l’équipe de tournage et de montage pour permettre à Je t’aime, etc. d’être de retour dès le 11 mai sur France 2 ?
Nathalie Cottet : On a mis en place une émission où on est peu nombreux sur place. Il y a Daphné [Burki, animatrice, ndlr] et deux chroniqueurs en permanence, plus un chroniqueur tournant qui vient et repart directement. Avant le Covid, nous étions une petite centaine de personnes, là, nous sommes au maximum une trentaine. Une seule et même personne peut faire plusieurs tâches et essaie d’avancer de la même manière. En montage, un technicien est seul ou accompagné de quelqu’un avec la distanciation nécessaire. La règle est de ne pas rester ensemble plus d’une heure dans une pièce.
A-t-il été question de mettre fin à la saison et de ne faire revenir Je t’aime etc. qu’à la rentrée de septembre ?
Non, parce que nous avons arrêté l’émission en pleine saison et nous n’avions pas terminé. C’était difficile de quitter le téléspectateur et de ne lui donner rendez-vous qu’en septembre.
Pour une société de production, quelles sont les principales préoccupations face à une interruption forcée des tournages et une déprogrammation de l’antenne ?
La préoccupation est de se dire à quel moment on va pouvoir reprendre une activité avec les équipes restées avec nous. C’est un métier difficile quand une petite boîte de production fait face à ce genre d’événement. Nous n’avons pas de trésorerie, pas 150 programmes sur diverses chaines. Le confinement n’a pas été tranquille.
« Au début du confinement, l’importance de la culture n’a pas été pris en compte »
La culture est venue tardivement dans les débats. Comment l’avez-vous vécu ?
Je ne fais pas une émission dite culturelle, mais la télévision en elle-même est un outil culturel, de divertissement et d’information. Il y a du lien social avec des programmes qui doivent divertir un public pour l’enlever de sa morosité, parfois. Au début, nous avons été autocentrés sur notre santé et n’avons pas pris en compte l’importance de la culture. Beaucoup de gens ont été atones, et il était dur de se faire plaisir en s’évadant. Une fois ce tsunami pris en pleine figure, on s’est dit qu’il fallait se nourrir, mais de notre côté, il y avait une part de honte, car nous pouvons être considérés comme la dernière roue du carrosse. Pourtant, on fait ce métier avec des gens qui doivent vivre, payer leurs loyers, emmener leurs enfants à l’école, etc.
Les thématiques de Je t’aime etc. auraient intéressé les couples confinés ou séparés. Pourquoi ne pas avoir proposé une déclinaison à domicile comme d’autres émissions ?
Il y a eu une volonté de la chaîne de distraire les gens avec des films. Au début, nous y avons réfléchi, or, notre rédaction n’est pas dans le témoignage, mais se compose plutôt de journalistes d’actualité et de divertissement. C’est dur d’être sur le même territoire que Faustine [Bollaert, animatrice de Ça commence aujourd’hui, ndlr], cela aurait demandé une organisation rédactionnelle trop difficile à mettre en place. En plus, la chaîne nous a dit qu’on allait bientôt revenir.
« Nous avons besoin d’une locomotive comme Faustine »
Les contraintes actuelles vont-elles chambouler sur le long terme la manière de concevoir et préparer les émissions de télévision ?
Je peux vous dire que non, car c’est très difficile d’être moins nombreux, avec des masques, des gants. En processus de création, être deux, c’est dur. On le fait parce qu’il faut respecter les règles et on ne doit pas repartir dans cette maladie dramatique. À long terme, ce n’est pas vivable de poursuivre cette organisation.
La progression de Je t’aime etc. est notable, mais moins fulgurante que celles de Ça commence aujourd’hui et Affaire conclue. Comment l’expliquez-vous ?
Tout le monde a l’objectif d’aller plus haut et d’essayer d’être plus performant. Cela fait dix ans que j’assure la case de 15 heures et celle-ci est un sabot de l’audience. Les gens suivent la fin de leur téléfilm sur les chaines concurrentes donc ils ne zappent pas. J’ai pris la case à 2% et nous l’avons montée jusqu’à à 11%. Le 14 heures et le 16 heures bénéficient d’audiences plus fortes. Je t’aime etc. a besoin d’une locomotive comme Faustine.