Natacha Espié (Ça commence aujourd’hui) : « Des témoins qui deviennent mes patients ? Ce ne serait pas déontologique... »
Natacha Espié est l’une des expertes régulièrement conviées aux côtés de Faustine Bollaert dans Ça commence aujourd’hui. Pour Toutelatele, la psychologue-clinicienne a livré son rapport aux gens et à ses patients, tout en différenciant ses interventions sur le plateau de télévision et celles à l’intérieur de son cabinet.
Joshua Daguenet : Qu’est-ce qu’une « psychologue-clinicienne », titre désignant votre profession ?
Natacha Espié : C’est le titre correspondant à mon diplôme dit à l’époque de « psychologie de deuxième cycle », et qui me permet d’exercer à l’hôpital.
Comment préparez-vous vos interventions à l’écran ?
En travaillant, beaucoup, à partir des points plateau que l’on me communique. Je réfléchis en amont au thème de l’émission, à voir ce que je peux en penser, ce que je peux trouver. À partir des moments où je lis les histoires des personnes qui vont participer, j’essaie de voir avec plus de précision comment elles sont liées avec le thème.
Certains thèmes ou témoins vous ont-ils particulièrement marquée ?
Je suis très sensible à l’émission et aux gens que je rencontre. C’est difficile de hiérarchiser, car je trouve les histoires très belles en général. L’émission sur les aidants, ces jeunes gens qui ont aidé leurs parents atteints de maladies graves, a été particulièrement poignante.
Depuis votre participation à l’émission, avez-vous acquis un gain de notoriété ?
De temps en temps, des patients m’ont vue et me le disent. Après, de là à parler d’un gain de notoriété, je ne pense pas.
Abordez-vous ce métier différemment selon que vous vous situez sur un plateau de télévision avec des invités ou dans votre cabinet avec un patient ?
Oui, bien sûr. Dans mon cabinet, c’est une relation qui se construit. Sur le plateau, je vais rencontrer ces personnes une fois et je dois être attentive à essayer de comprendre ce qui se passe, et à éviter de faire des interprétations sauvages en étant trop intrusive et dire des choses qu’il ne serait pas temps pour eux d’entendre.
« Je dois éviter les interprétations sauvages »
Avez-vous connu des fins d’émission frustrantes parce qu’il vous a manqué du temps pour tout dire, ou parce que vous avez réalisé que vous aviez été maladroite dans certaines interventions ?
Nous nous remettons toujours en question. Oui, on se demande si on a dit ce qu’il fallait par rapport aux invités présents. Est-ce que les fins d’émissions sont frustrantes ? Non, car nous sommes pris dans la dynamique de l’émission. Si je n’ai pas tout dit, c’est parce qu’il se passait autre chose d’important sur le plateau et que les personnes avaient autre chose à raconter.
Certains témoins de Ça commence aujourd’hui sont-ils devenus des patients ?
Non. Ce ne serait pas déontologique et pas possible. Pour le moment, je n’ai pas gardé contact avec des témoins.
Au-delà de vos outils de travail, utilisez-vous votre vécu pour conseiller, accompagner vos patients ?
J’emploie une pratique d’orientation analytique. Je suis analysée, donc forcément il y a quelque chose de moi là-dedans. Quand on prend en charge des patients, cette prise en charge s’exerce dans la globalité. En revanche, ma pratique fait que j’essaie de ne pas projeter trop de moi vers les patients pour les libérer de moi, et pour qu’ils puissent s’exprimer complètement naturellement, libres de toute influence.
Vous êtes engagée depuis 15 ans auprès d’Europa Donna France, que vous présidez depuis 2016. Que pouvez-vous nous dire sur cette association ?
Europa Donna lutte contre le cancer du sein en France depuis 20 ans et à l’échelon européen depuis 25 ans. Nous accompagnons les femmes en les répartissant dans des délégations régionales sur tout le territoire. Nous avons un rôle d’information pour permettre aux femmes d’exprimer leur capacité de sujet, de savoir ce qui se passe, comment va se dérouler leur traitement. Pendant la maladie, on reste à leurs côtés pour la pratique d’exercices physiques adaptés, des groupes de parole… Aussi, nous sommes présentes dans l’après, car cela constitue un moment de fragilité pour les patientes. Notre engagement est très fort dans le dépistage du cancer de sein.
Les thèmes autour du cancer proposés dans l’émission vous tiennent particulièrement à cœur…
Quand un thème m’intéresse, en général, je suis très curieuse de rencontrer les gens. Cela me donne l’occasion de travailler sur plein de choses et elles ne sont pas forcément liées aux maladies.