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Marc Menant (Face à l’info) : « Eric Zemmour me plait car il est dans une démarche intellectuelle »

Joshua Daguenet
Par
Rédacteur TV & Séries
Publié le 10/03/2020 à 17:48 Mis à jour le 10/03/2020 à 18:25

Marc Menant, l’un des éditorialistes de Face à l’info, à suivre chaque jour à 19h00 sur CNews, est revenu pour Toutelatele sur le succès de l’émission, sa collaboration avec Eric Zemmour et l’épidémie du Coronavirus.

Joshua Daguenet : Lors de la séquence « histoire » qui vous est dédiée tous les jours, on peut vous reconnaître quelques aptitudes théâtrales. Travaillez-vous la forme et l’incarnation de vos récits ?

Marc Menant : Non, c’est spontané. J’aime raconter des histoires depuis toujours. J’ai deux filles et je faisais un feuilleton que j’improvisais au quotidien quand elles étaient petites. Mon but était de les fasciner, les emporter, les entourlouper. Faire en sorte qu’elles puissent vaciller dans le sommeil en ayant les plus belles images. Si je suis entre amis et que je dispose d’une petite comptine, j’aime faire vivre les personnages. C’est la force du romanesque. J’ai signé huit romans et quand j’écris un livre, j’essaie d’y mettre une musique et de me glisser à la place du lecteur que je tutoie beaucoup. Je me demande ce qui peut déclencher ses émotions ? Il ne faut jamais être dans la neutralité mais dans l’engagement et l’enthousiasme.

Quelle période de l’histoire, selon vous, a été la plus déterminante dans l’existence qui est la nôtre aujourd’hui ?

Incontestablement, la période allant de 1860 à la Première Guerre Mondiale, que l’on peut inclure dans la mesure où l’horreur permet toujours des améliorations technologiques. À cette époque, c’est le grand fourmillement et tout est possible. La science explose, nous sommes dans toutes les audaces et la curiosité scientifique ne s’est pas encore renfermée dans des veines de recherche. Cela se traduit, la première fois, par l’homme qui échappe à sa région. Auparavant, hormis quelques aristocrates et quelques aventuriers voire aventureux selon la distance que l’on parcourait, nous étions rivés à notre lieu de naissance. Là, on connait les routes, les voitures, les trains, les avions. Pour la première fois, nous sommes des oiseaux, au-dessus de la Terre. Icare en avait rêvé. On sait à quoi correspond cette façon d’envisager la planète, de se regarder vivre et se propulser dans tous les espaces. Tout un inconnu est alors gagné, ce qui permet à l’homme d’échapper au registre du quotidien et d’ouvrir la porte à tous les improbables.

Si vous aviez le pouvoir de modifier un événement majeur, à quoi vous attaqueriez-vous ?

À la bêtise ! (rires) La bêtise engendre la lâcheté et la lâcheté est le renoncement à bien vivre. Je me suis trouvé une petite formule ; je disais à mes filles : « Soyez dans la sur-vie en deux mots et pas dans la survie en un mot » et c’est cela qui compte. Trop de gens sont dans la survie en un mot, sans parler de ceux qui sont victimes de paupérisation extrême. Il est fabuleux de trouver cette énergie propulsant certains plus démunis et qui fait que cette énergie vous fasse trouver un sens à l’existence en tant que tel. Je suis fasciné par ce courant des Lumières qui apparaît à la fin du XVIe siècle où on voit des gens dirent non aux barrières érigées par la religion, à tous ces carcans nous étouffant, nous entravant, et ces hommes qui se donnent le droit au blasphème. Cela va de Vanini à Voltaire, Diderot... Il y a un souffle merveilleux et tant pis si on termine au bûcher, qu’on vous arrache la langue... On s’en fout, on veut vivre grand ! Je trouve extraordinaire cette capacité de sortir de la morale et de prendre conscience que nos sens peuvent nous aiguillonner. Ce n’est pas la culture qui doit nous tyranniser mais nous devons modeler la culture pour vivre dans toute l’incandescence et tous les dons qui nous ont été offerts par le créateur, s’il existe un créateur. Quand on voit ce courant puritain qui vient nous clouer, nous faucher aujourd’hui... je suis horrifié !

« Sur le plateau, j’ai l’impression de retrouver un club d’amis »

Eric Zemmour aime citer la phrase de Raymond Aron : « Les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font ». Etes-vous d’accord avec ce constat ?

Oui. Il y a ceux qui, une fois placés devant un destin, ce destin vient façonner l’histoire. Je peux penser à Napoléon ou de Gaulle. Ils sont quelques-uns à se placer tout de suite en dehors d’une existence dans laquelle nous sommes rivés à un conditionnement social. Il y a quelque chose qui leur fait imaginer qu’ils seront les sculpteurs de la voie de l’humanité.

Face à l’info enchaîne les records d’audience historiques. Suivez-vous de près les performances réalisées par CNews en access ?

Non, pas du tout. Ce qui compte pour moi est la jouissance de l’antenne. J’ai l’impression de retrouver un club d’amis. Sur le plateau, il y a une connivence et une fraternité. Nous ne couchons pas ensemble après, mais sur le moment, je ressens une joie qui pouvait, je l’imagine, être celle des salons littéraires et libertins à partir du XVIIe siècle. Christine [Kelly, ndlr] a un esprit de dérision. On rit, on s’esclaffe et on a quelque chose comme ça qui nous porte et nous donne envie de bouffer les ondes. Si vous êtes amoureux, que pouvez-vous offrir à l’autre ? Ce n’est pas la performance qui compte, mais de chercher en vous les énergies les plus vibrantes pouvant offrir à l’autre un élément d’agrandissement. J’aime l’esprit commando de cette émission. Ici, on ne vient pas à l’antenne en se disant qu’on veut gagner la guerre avec une volonté d’entreprendre. L’autre fois, Christine m’a montrée une photo de nous deux qu’elle avait partagée. Je n’en revenais pas de tous les commentaires. J’en avais les larmes aux yeux. Il y avait toujours un petit mot pour Zemmour. Eric de Riedmatten, lui, a un flegme britannique avec son sourire qui fleurit au bord des lèvres. Les uns et les autres, on se charrie avec beaucoup de sincérité.

De nombreuses critiques ont plu quant au retour d’Eric Zemmour sur la chaîne d’information. La réussite du programme est-un elle un pied de nez aux censeurs ?

Il faut se moquer des censeurs ! Je ne peux pas écrire comme j’écris depuis si longtemps, que ce soit mon seul roman personnel « Mes divines débauches » ; le fait que j’ai claqué plusieurs portes, d’être dans un esprit libertin et libertaire. Théoriquement, la différence est porteuse d’une marginalité voulant la rupture avec ce qui nous enferme. Or, aujourd’hui, c’est le contraire. Une minorité de gens veulent nous enfermer, nous assigner, donc je dis merde à tous ceux-là ! Quand Serge [Nedjar, directeur général de CNews, ndlr] nous a proposés cette émission, j’ai trouvé ça formidable. Je ne connaissais pas Eric Zemmour, mais je m’en fous. Pourquoi Zemmour n’aurait pas le droit de s’exprimer ? Ce qui me plait chez lui, c’est qu’il est dans une recherche intellectuelle. Après, on peut contester, mais lui n’est pas dans le dogme pour être dans le dogme. Il prend toujours une référence historique pour justifier un propos, et c’est le propre du débat. Ce n’est pas de voir celles qui arrivent voilées dans les universités en disant qu’untel n’a pas le droit de parler, où ceux qui vous empêchent d’aller voir Polanski !

« Il faut se moquer des censeurs ! »

Avez-vous été scandalisé par la cérémonie des César ?

Je compatis avec ce qu’a pu subir Adèle Haendel mais elle ne peut pas se rendre à une soirée pour protester contre quelqu’un désigné par une profession... Si vous enlevez de toute la création artistique toutes les forces immorales qui se sont exprimées, il ne va plus rester grand-chose dans les bibliothèques, les musées, au mur... ni nulle part. Dans la catégorie du « meilleur réalisateur », une part de l’oeuvre est reconnue à travers son réalisateur et que vous vous leviez pour dire « C’est une honte ! »... Mais c’est une honte de quoi ? Il ne faut pas être là ! La honte c’est d’être là si vous n’êtes pas d’accord ! On interdit à quelqu’un d’exister, c’est édifiant ! Si demain, je dois affronter quelqu’un qui m’a fait du mal, soit je lui casse la gueule et j’en rendrai compte devant la justice, soit j’en appelle à la justice pour trancher, mais en l’occurrence, je ne viens pas me regrouper pour dire « Vous, vous n’avez pas le droit de... »

De par votre expérience, la liberté d’expression et la liberté de ton se sont-elles détériorées ces dernières années ?

Il faut avoir le sens de la blessure. Je trouve terrifiant qu’on puisse vous dire qu’une femme se cloisonnant sous un voile ou qu’une autre refusant de tendre la main au nom de la religion soient des preuves de la liberté. Si la liberté c’est ça, je n’ai plus qu’à fuir...

Comment avez-vous réagi à la suppression du direct de Face à l’info, quelques semaines seulement après le début de l’émission ?

La chaîne a répondu à une préconisation du comité d’éthique du groupe Canal+. Elle a montré au CSA que l’émission n’était pas là pour faire de la provocation. Dans l’absolu, je préfère les directs, mais je n’ai pas été témoin d’une quelconque coupure. Nous sommes des gens responsables.

Christine Kelly dit recevoir des menaces de mort au quotidien depuis le lancement de l’émission. De votre côté, cette aventure a-t-elle eu des répercussions néfastes ?

Je ne suis pas sur les réseaux sociaux, alors à part quelqu’un qui m’agripperait dans la rue (rires). Christine subit cela avec dignité, sourire, un sens de la dérision, sans germer la moindre haine ni mûrir la moindre rancœur. Je ne la connaissais pas mais elle est une femme rayonnante. Oui, j’entre en intolérance vis-à-vis de ces salopards d’une infinie lâcheté qui osent la menacer !

« Face à l’info n’est pas là pour faire de la provocation »

Aucune femme journaliste n’a encore été présente en première partie tandis que les débats de la seconde partie opposent souvent deux hommes. Déplorez-vous ce déséquilibre ?

La parité, je ne sais pas ce que ça veut dire. Ce qui m’intéresse est de savoir comment chacun, en fonction de ce qu’il est, peut exister. J’ai élevé mes filles de cette manière. Quand, petites, elles allaient à l’école, je leur disais : « C’est la fête de l’esprit. Rayonnez ! Personne ne doit vous restreindre ! ». Aujourd’hui, ma plus jeune fille a écrit une pièce sur Arletty. C’est formidable parce que le début de la pièce démarre avec le père d’Arletty, chauffeur de tramway, qui lui disait : « Ma fille, personne ne doit atteindre ta capacité à être toi-même. N’admets jamais que l’on te mette un boulet, quel qu’il soit, le plus petit possible ». Le propos est décalé car de nombreuses femmes sont présentes sur l’ensemble de l’antenne. Juste avant Face à l’info, il y a Laurence Ferrari. L’après-midi, il y a Nelly Daynac que je trouve excellente. Je pense également à Barbara Klein pour l’émission du week-end, Sophia Rousseau... En deuxième partie, certaines femmes ont refusé de venir car elles considèrent encore que Zemmour est infréquentable. L’émission est à l’affût de philosophes, de politiques, de gens porteurs d’une culture, d’une réflexion. Eric est un débatteur, un guerroyeur. Tout un chacun est bienvenu.

Vous avez la dent dure contre les religions et particulièrement l’Islam. La France est-elle encore un pays laïque ?

Dans la religion, il y a deux choses. La première : la foi. Elle est inattaquable. Vous êtes alors convaincu qu’il y a une transcendance. Je pense que s’il y a une transcendance, c’est le côté déiste, à savoir que le créateur peut exister, mais moi en tant que père, je n’ai pas demandé à ce que mes enfants soient en génuflexion complète tous les jours, et m’admirent. Je trouve ça indécent qu’il existe un créateur qui nous demande cette soumission. Je respecte les gens s’inscrivant dans un principe de croyance, mais je condamne ceux, qui, au nom de cette croyance, cherchent à les enfermer et comment, quand ils sont enfermés, ces gens ne s’ouvrent plus aux autres. Ce qui est contraire à la définition du mot « religion », qui signifie relier des êtres humains. Ce n’est pas avoir la dent dure que de dire merde à la pudeur quand une femme porte un voile au nom de celle-ci. Aujourd’hui, la France n’est plus un pays laïque et c’est pour cela que j’ai écrit « La laïcité dévoilée ».

L’actualité, ces temps-ci, est marquée par le Coronavirus qui s’étend aux quatre coins du globe. Le traitement médiatique de l’épidémie vous semble-t-il correctement dosé ?

C’est affligeant. On crée une psychose qui s’auto-alimente. Durant mes études d’officier de marine marchande, on m’a appris d’être un homme responsable. Si potentiellement je deviens capitaine d’un navire et que le vaisseau connait une défaillance face à la météo que l’on doit affronter, vous dites aux gars « On va tenir face à la tempête ! Nous serons les dominateurs de l’événement et apprivoiserons les circonstances ! » Là, c’est incroyable, c’est la panique ! C’est la terreur ! On compte chaque personne qui entre à l’hôpital. On est en train de détruire une économie, de bousiller l’enthousiasme de gens. Il y a ceux qui se préparent pour des compétitions, d’autres qui se sont investis pour des spectacles et tout ça est rayé de la carte ! C’est parti d’un pays comptant 1.5 milliards d’individus et d’une région habitée par 56 millions de gens où on a recensé un peu plus de 30 000 morts. Dans cette région, le taux de pollution est cent fois supérieur au taux normal. Depuis quelques années, en Chine, la durée de vie diminue à cause de la pollution. C’est le pays où les gens fument le plus, et par conséquent, les systèmes immunitaires sont amenuisés. Il ne faut pas s’étonner que quelque chose accompagne le dépérissement global. Si l’on applique ce même principe de précaution à la grippe qui a fait 10 000 morts en France l’année dernière, on ferme des boutiques tous les ans de septembre à mars. C’est à nous de veiller d’être en bonne santé en faisant du sport, en ne mangeant pas du sucre, en ne consommant ni alcool ni tabac. Il est terrible de savoir que plus un cerveau imprime une information négative, plus cela a une incidence sur votre système immunitaire. Pour moi, cette psychose générale est pure folie.