Les feuilletons quotidiens français, de Rue Carnot à Plus belle la vie
Soap aux Etats-unis, Telenovelas au Brésil ou encore Télé-Roman au Québec, le feuilleton demeure un genre à part à la télévision. Dans l’Hexagone, le feuilleton n’a jamais eu le vent en poupe, jusqu’à l’arrivée de Plus belle la vie. Retour sur les feuilletons quotidiens français depuis 1984 jusqu’à nos jours.
RUE CARNOT
(1984-1985)
Apparu au cours de l’été 1984 aux Etats-Unis, Santa Barbara est l’un des premiers soaps américains programmés à une heure de grande écoute un an plus tard, à 19h10 sur TF1. Dans le même temps, la nouvelle chaîne cryptée, Canal+, décide de créer son propre feuilleton, Rue Carnot. Pendant 200 épisodes, tournés en 210 jours ( !), les téléspectateurs vont suivre la vie des habitants de l’immeuble de la rue Carnot, dont Armelle Vaudreuil (incarnée par Corinne Marchand) est la propriétaire. Le soap sera popularisé en février 1987 lors de son arrivée sur Antenne 2 où il alimentera les après-midi de la chaîne publique.
LA VALLEE DES PEUPLIERS
(1986)
En 1985, à l’heure où Rue Carnot sévit sur Canal+, Antenne 2 décide de co-produire un second feuilleton mais cette fois-ci avec la télévision italienne : La Vallée des peupliers. 52 épisodes de 26 minutes sont signés pour une diffusion quotidienne à 13h30 juste après le Journal et peu avant Dallas qui sévit alors avec succès sur TF1 dès 13h50. C’est justement ce dernier qui a inspiré les producteurs. Mais ici le pétrole laisse la place au bois. Ainsi, en Lombardie, la riche famille De Lorenzi se déchire autour de la fortune laissée par le patriarche De Lorenzi. Leurs destins seront croisés avec ceux de la famille Dubois. Nicole Courcel fait partie de la distribution.
DEMAIN L’AMOUR
(1986-1987)
On l’oublie de nos jours, mais bien avant Plus Belle la vie, France 3 a été l’une des premières chaines à donner sa chance aux feuilletons français dans les années 80. En 1986, pour sa case du 13 heures, la chaîne publique commande à TelFrance, Demain l’amour, avec en vedette Katia Tchenko. Pendant 135 épisodes, les téléspectateurs vont vivre les amours, parfois bien compliqués, des infirmières et des médecins de la clinique des Bruyères. A l’instar de Rue Carnot, un épisode par jour est tourné en région parisienne et au Sénégal.
STUDIO FOLIES
(1987-1988)
Après les passions de la clinique des « Bruyères », FR3 change d’horizons et décide de prendre la télévision, comme thématique de son nouveau feuilleton quotidien. Une idée ingénieuse qui va lui permettre de faire venir en guest moult stars comme Julie Pietri ou Adamo. Produit par Anabase et différentes stations régionales de FR3, Studio Folies narre le quotidien d’une chaine de télévision avec son lot de personnages stéréotypés tels la bimbo blonde ou encore le présentateur vedette Jean Bernard, alias J.B. incarné par Patrice Laffont. 60 épisodes seront tournés et diffusés l’après-midi sur FR3, sans succès.
VOISIN, VOISINE
(1988-1989)
Juste avant de lancer la production de Tendresse & Passion, et suite à la diffusion du feuilleton québécois Belle Rive tout a long de l’été, La Cinq a mis en œuvre, en collaboration avec TéléMétrople au Québec, Voisin, Voisine. Pendant 385 épisodes, les téléspectateurs assisteront au quotidien de deux familles voisines de palier, les Dumanoir et les Tulipe. Pierre Jean, Nicole Chausson ou Denis Cherer font partie de la distribution de ce feuilleton créé pour alimenter, à l’origine, les matinées de La Cinq. Mais très vite, histoire de remplir ses quotas, la chaîne va enchainer plusieurs épisodes la nuit, ce qui en a fait un programme mythique, malgré une qualité plus que contestée. Il faut dire que la production donnait une trame aux acteurs sur laquelle ils improvisaient pendant une heure.
EN CAS DE BONHEUR
(1989-1990)
À peine achevé sur Antenne 2, Rue Carnot a donné des idées à TF1. Sous la houlette de Pascale Breugnot, la nouvelle chaîne privée souhaite également suivre les péripéties des locataires d’un immeuble. Ainsi naît En cas de bonheur, le 5 juin 1989 à 18h20, juste avant Santa Barbara. Dans ce soap de 250 épisodes, TF1 a tenté de toucher le plus large public en mettant en scène des personnages aux parcours bien différents comme un médecin, un plombier, un jeune beur, un chômeur... Mais très vite, la Une déchante et envoie sa nouvelle production alimenter ses matinées. À noter que le feuilleton comptait dans son casting, le jeune Fabien Remblier (Premiers baisers).
TENDRESSE & PASSION
(1989-1991)
Malgré sa courte existence, la 5 n’a pas hésité à produire également son propre soap. Bon nombre se souviendront de Voisin, voisine qui alimentait les nuits de la chaîne, mais il y avait aussi Tendresse et Passion qui lorgnait beaucoup plus du côté du soap américain. Le feuilleton met en scène le couple Alain (Jean-François Poron) et Madeleine d’Harcourt (Pascale Roberts), directeurs de la Clinique des Dames Blanches. Les intrigues évoluent ainsi dans le milieu médical avec les amourettes entre médecins et infirmières. Avec 300 épisodes à son compteur, Tendresse et Passion était tourné à une cadence infernale : 26 par semaine !
LE DESTIN DU DOCTEUR CALVET
(1989-1992)
TF1 a décidé de lancer la production de ce soap, baptisée initialement La Passion du Dr Calvet, mettant en scène la vie de Jean Calvet, médecin évoluant à la Clinique Saint-Charles. 42 épisodes sont tournés pour alimenter la grille d’été. Le Destin du Dr Calvet fait surtout parler de lui grâce à Bruno Pradal, qui interprète un médecin à la fois séducteur et machiavélique. Trois ans plus tard, TF1 décide d’offrir une suite, composée de 150 épisodes, a son feuilleton. Et si les scénaristes sont les mêmes, une grande partie des acteurs changent, dont Bruno Pradal, décédé entre temps.
BEAUMANOIR
(1992-1993)
Sous l’impulsion de Marcel Jullian, Antenne 2, devenue France 2, met à l’antenne le 7 septembre 1992 Beaumanoir, un feuilleton qui se veut très « classe » pour le case du 16h50 avec des acteurs tels Henri Serre, Sylvie Genty ou encore Evelyne Dandry. Plus d’une centaine d’épisodes sont tournés dans le but de sa familiariser avec les Monclar, une riche famille propriétaire du château « Beaumanoir », en Dordogne. Tous les ingrédients classiques seront au rendez-vous avec une mise en exergue de deux familles rivales : les Monclar et les Moretti. Face au Club Dorothée de TF1, le succès est modéré mais France 2 enchainera la diffusion jusqu’à la fin de la saison, et proposera une rediffusion chaque matin à 6h00.
RIVIERA
(1991- 1992)
A l’époque, Riviera est un véritable événement dans le domaine du soap à la française. Il s’agit de première fiction européenne calquée sur le modèle des soaps américains, à mi-chemin entre Santa Barbara et Les Feux de l’amour. En effet, la famille de Courcey, propriétaire d’un empire dans la parfumerie et autres cométiques, jonglent avec l’argent, l’amour, le pouvoir... et la haine ! D’emblée, 260 épisodes sont commandés, au rythme d’un épisode tourné par jour. La distribution de Riviera fait appel à des acteurs européens connus dans leurs pays. Pour la France, on retrouve Jeane Manson ou encore Xavier Deluc. Diffusé en fin d’après-midi à compter du 1 juillet 1991, cette programmation ne passera pas l’été. TF1 reléguera Riviera en fin de matinée avant de le mettre au placard. En effet, les français n’ont pas adhéré au concept, et ce malgré l’important battage médiatique.
CAP DES PINS
(1998-2000)
Le 14 septembre 1998, les téléspectateurs font connaissance avec Gérard Chantreuil (Paul Barge), un homme d’affaires sans scrupules qui souhaite racheter le « bateau ivre ». Nadine Bollard (Catherine Gandois) lui damne le pion et transforme le lieu en restaurant fluvial. Chantreuil, Bollard, Matthiews, Morio, ces familles vont faire vibrer le quotidien de millions de français chaque jour à 18h45 sur France 2. Cap des Pins relance ainsi la mode des feuilletons français à succès avec dans la distribution la jeune Mélanie Maudran (devenue star des sagas de l’été de la chaîne). Mais en face sur TF1, Exclusif et Le Bigdil font rage ! Après 281 épisodes, Cap des Pins se referme le 31 mars 2000.
PLUS BELLE LA VIE
(2004-...)
Le 30 août 2004, 1.5 million de Français découvrent, à 20h20 sur France 3, la vie des habitants du Mistral. Avec 5.6% de part de marché, le coup d’envoi du premier feuilleton français du nouveau millénaire est catastrophique. Avec 260 épisodes déjà commandés, la chaîne publique envisage d’interrompre au terme des 130 premiers. Cependant, elle préfère effectuer des changements dans l’histoire et mise sur un enrichissement de casting. Bingo ! La nouvelle mayonnaise prend et l’audience ne cessera d’augmenter pour atteindre jusqu’à 7 millions d’inconditionnels. Depuis Plus Belle la vie est même devenu un exemple de réussite, que beaucoup copieront sans jamais égaler- et a eu droit à de nombreux primes.
LA BAIE DES FLAMBOYANTS
(2007-2009)
Le très prolifique producteur et scénariste des sitcoms de AB productions, Jean-François Porry (alias Jean-Luc Azoulay), a également eu l’idée de lancer un feuilleton destiné à la chaîne d’outre-mer, France Ô. La baie des flamboyants, adaptation de la telenovela Codigo postal, narre ainsi les aventures de six familles aux destins mouvementés, toutes évoluant aux Antilles. Pour attirer le plus de fidèles, Jean-Luc Azoulay fait appel à certains acteurs des sitcoms AB comme Sébastien Roch, Laure Guilbert ou encore Laly Meignan. Il leur adjoint des acteurs locaux et deux ex-star académiciens, Emilie Minatchy et Lukas Delcourt. Le succès est immédiat avec jusqu’à 60% de part de marché. A mille lieues de l’accueil que lui réservent les téléspectateurs de France 3 en juillet 2009. Avec moins de 2% de part d’audience, la Baie passe à la trappe.
CINQ SŒURS
(2008)
Voilà plus de trois ans que le succès de Plus Belle la Vie est jalousé. Les chaînes concurrentes se décident donc à avoir aussi leur propre feuilleton. La première à dégainer n’est autre que France 2. Pour cela, elle fait appel à Marathon (producteur du prolifique Sous le Soleil) pour créer l’événement avec Cinq sœurs. Mais l’histoire de la famille Mattei, composée de Pierre, ses cinq filles (Béné, Elise, Léa, Lucie, Manu) et sa nouvelle compagne ne va guère captiver les Français, et ce, malgré la présence au casting d’Emmanuelle Boidron, bien connue pour avoir été la fille de Navarro. Le 28 janvier 2008 à 18h10, France 2 diffuse le premier épisode devant 1.6 million de téléspectateurs. Ils seront moitié moins au terme des 108 épisodes programmés au lieu des 250 initialement prévus. Après avoir un temps pressenti sauver son feuilleton, la chaîne publique a finalement préféré arrêter les frais.
PAS DE SECRETS ENTRE NOUS
(2008)
Tourné au moment où Cinq sœurs enregistre des contre-performances sur France 2, Pas de secrets entre nous est le nouveau feuilleton quotidien de M6, produit également par la société Marathon. Les personnages centraux de la fiction sont une bande de trentenaires, partageant un appartement en colocation. Au fil du temps, ils vont se dévoiler des secrets inavouables. Entre coups de cœur et coups de gueule, cette joyeuse troupe partage vie professionnelle et vie privée, avec dans le rôle de la voisine, Marie Fugain. Propulsé à 20h05 le 30 juin 2008, juste avant Plus Belle la Vie, Pas de secrets entre nous enchaine les revers d’audience avec moins de 700 000 fidèles et parfois 3% de part de marché. Deux mois plus tard, les derniers épisodes, sur les 80, seront expédiés dans la case du 13 heures.
SECONDE CHANCE
(2008-2009)
Avec cette déferlante de feuilletons made in France, et malgré les différents échecs de la concurrence. TF1 signe en 2008 pour une nouvelle production en commandant d’emblée 180 épisodes pour une diffusion quotidienne à 17h25. Et la chaîne a mis le paquet pour parvenir à ses fins : 15 auteurs pour les textes, une trentaine de personnes pour le scénario, 450 professionnels fonctionnant en rotation sur le tournage, des décors d’une superficie de près de 3.000 m², et un budget total de 30 millions d’euros. Une première ! Le lundi 29 septembre, la chaîne diffuse ainsi, à grands renforts de publicité, les deux premiers épisodes des aventures d’Alice Lerois, cette mère au foyer dont la vie bascule au moment de son divorce, devant plus de 1.5 million de téléspectateurs, soit 20% de part de marché en moyenne. Une première déception puisque le feuilleton allemand, Le Destin de Lisa, faisait mieux. Face à l’érosion d’audience, en janvier 2009, TF1 avance sur sa grille Seconde Chance qui s’achèvera le 17 avril dans l’indifférence générale.
PARIS 16
(2009)
L’échec de Pas de secrets entre nous n’a en rien entamé l’enthousiasme de M6 pour le genre. En effet, fin 2008, elle passe commande à CALT, à qui l’on doit notamment Caméra Café et Kaamelott, une nouvelle production baptisée Paris 16. Ce feuilleton de 80 épisodes, destiné aux moins de 35 ans, narre l’histoire de Lorene, une jeune provinciale installée dans le 16e arrondissement de Paris, dans une famille d’accueil, les Cipriani. Lorène a pour but de retrouver son père, censé vivre dans la capitale. Le 9 mars, Paris 16 débarque à 17 heures, juste en face de Seconde Chance, le feuilleton de TF1. Moins de 600 000 Français sont alors au rendez-vous (7.6%) et ils fuient au fil des jours. Le 25 mai, Paris 16 subit le même sort que Pas de secrets entre nous et est relégué à 13h10 pour finir sa course sans succès...