Toutelatele

Les années Dechavanne

Joseph Agostini
Publié le 09/08/2002 à 00:00

Septembre 1992 : Christophe Dechavanne arrive en fanfare dans le créneau stratégique de l’access prime time sur TF1, pour animer un rendez-vous de divertissement en direct et en public, baptisé Coucou, c’est nous et destiné à servir de locomotive au Journal de 20 heures. 52 minutes quotidiennes d’humour et d’humeur, avec une équipe de choc et de charme, dont font partie les inénarrables Sophie Favier et Patrice Carmouze. Chroniques interactives, séquences animaux, canulars téléphoniques, conseils coquins...

Dechavanne dynamite le paysage de 19 heures, autrefois accaparé par la bonne vieille Roue de la fortune. L’animateur tonifie l’image de la chaîne, vivifie la tranche horaire et séduit les fameuses ménagères de moins de 50 ans, dont sont si friands les publicitaires. Le sémillant Christophe Dechavanne est alors le maître incontesté du show, toutes chaînes confondues.

Il faut dire ce que TF1 lui doit : son débat culte du mardi soir, Ciel, mon mardi, a atteint les pics de l’audience de 88 à 92, avec parfois plus de 60% de part de marché ! Le succès de Coucou, c’est nous, avec plus de 4 millions de fidèles, confirme le potentiel de ce « lutin génial ». Deux ans durant, l’animateur star de TF1 ravit tous les suffrages. Sa maison, « Coyote productions », distille partout ses programmes sur les grilles de la chaîne (dont le toujours très vaillant Combien ça coûte ?)

Juin 94, fatigué par ses « 250 rendez-vous de déconnade et de bonne humeur » qui ne lui ont pas laissé de vacances, « Cri-cri », comme on l’a surnommé, a décidé de changer de rythme. « Je suis épuisé (...) Cette émission en direct, c’est un mélange inconscient de travail et de spontanéité (...) Je n’ai plus la même énergie qu’au premier jour ». Pourtant, en septembre de la même année, il revient avec une nouvelle mouture de show en direct et en public, succession de rubriques autour d’un invité vedette : Tout le toutim.

Christophe Dechavanne impose alors sa loi et exige de TF1 qu’elle lui délivre la case du jeudi à 20h50, en lieu et place des séries policières, reines de l’audience. Pour son animateur fétiche, la chaîne chambarde sa programmation, déplaçant à ses risques et périls Navarro, Julie Lescaut et autres grands personnages récurrents de sa grille.

Les premiers résultats ont l’effet d’un séisme. TF1 a perdu la moitié de ses téléspectateurs. Christophe Dechavanne n’a réuni, ce jeudi là, que 4 millions de fidèles, moins encore qu’ Envoyé spécial, diffusé au même moment sur France 2 !
Si le deuxième numéro obtient un score légèrement supérieur, le troisième vient confirmer le scénario catastrophe : le public a changé de chaîne, aussitôt que le 20 heures de PPDA s’est achevé ce soir là ! Tout le toutim disparaît aussitôt des grilles de la chaîne.

Dechavanne, furieux, poursuit TF1 en justice, mais se réconcilie pour y revenir malgré tout au mois de janvier suivant, en access prime time, dans une nouvelle mouture de Coucou, c’est nous, simplement rebaptisé Coucou ! Comme un petit air de déjà vu...

Comme Christophe Dechavanne le disait clairement l’année passée, il lui manque encore ce « mélange inconscient de travail et de spontanéité » qui avait fait sa différence et son succès. Le public n’est pas dupe : Coucou n’est qu’une pâle copie d’un concept épuisé. Malgré de nombreux réaménagements et « plans de sauvetage » (nouvelles rubriques, nouveaux visages...), l’audience ne décolle pas et stagne à 19% de part de marché, soit cinq points de moins qu’un Michel Drucker revigoré dans Studio Gabriel sur France 2.

Le « lutin génial » devient un « accident industriel », selon l’intransigeant le Lay, directeur de TF1, qui annonce, avec le cynisme qu’on lui connaît, la chute de son poulain.

Depuis, si Christophe Dechavanne est revenu sur le devant de la scène, son « langage » novateur, la « couleur d’antenne » qu’il savait donner à ses émissions d’antan, tout son univers décalé et truculent ont cruellement subi les outrages du temps. En 2000, TF1 lui a proposé de remettre Ciel, mon mardi au goût du jour. Même décor, même générique : l’émission débat culte des années 80 n’a pas franchi le cap d’une année de diffusion. Il lui manquait sans doute ce parfum de nouveauté, si prisé par les nez du métier.

Peu importe, revigoré par cet échec, l’animateur revient avec une nouvelle équipe entièrement féminine la saison suivante pour Tant qu’il y aura un homme. En vain ! Le public boude ouvertement cette émission qui s’arrêtera au bout de trois numéros. L’audience s’est même permis de chuter de 50% entre le premier et le troisième numéro (de 1.5 millions à 792 000 téléspectateurs). Constat d’échec inéluctable pour TF1 et Christophe Dechavanne. Depuis le « lutin génial » a raccroché sa casquette d’animateur télé, mais jusqu’à quand ?