Le mépris (France 5) : pourquoi Brigitte Bardot et Michel Piccoli ont été interdits aux moins de 18 ans devant les caméras de Jean-Luc Godard ?
En 1956 sortait dans nos salles Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, réunissant une Brigitte Bardot au sommet de sa sensualité et Jean-Louis Trintignant. Mais sept ans plus tard, avec Le Mépris, bien des observateurs se sont demandés si Jean-Luc Godard n’a pas recrée Vénus avec l’icône du cinéma ornée de son célèbre bandana bleu et qui donna la réplique à Michel Piccoli. L’oeuvre est à revoir à partir de 20h50 ce lundi 25 novembre sur France 5.
Un Godard pas bankable
En cette journée contre les violences faites aux femmes, la diffusion de ce drame fait sens. Bardot est déjà une star du cinéma au début des années 60 et elle incarne son propre rôle par certaines facettes. Son couple avec un scénariste bat de l’aile et tout s’enchaîne lorsqu’elle rejoint le réalisateur Fritz Lang - dont c’est la première apparition depuis 1919 - pour un tournage produit par Jeremy Prokosch. Nommé pour achever le scénario du film, Paul (Michel Piccoli) délaisse son épouse Camille (Brigitte Bardot) et la « confie » aux mains du producteur qui aimerait flirter avec l’actrice. De là naît une succession de malentendus et Camille en déduit que son homme est prêt à la prostituer dans les griffes de Prokosch. La déchéance s’empare du couple. Peu de temps après, un drame intervient.
Ce Godard se voulait plus commercial que les autres. C’était d’ailleurs la condition pour que le cinéaste obtienne un cachet très important pour l’époque et qui a représenté le décuple de celui alloué pour À bout de souffle. Si l’un des visages de la « Nouvelle Vague » a enregistré un joli succès avec 235 000 entrées, pour un long-métrage mettant scène Brigitte Bardot, ce score fut une déception. À titre de comparaison, le précédent film de la star, Le repos du guerrier, qui est loin d’être phare dans sa filmographie, avait réuni près de 2.9 millions de Français en 1962.
Scorcese et Lynch rendent hommage à Godard
Godard, Bardot et Piccoli ont été pénalisés par la Commission de classification des œuvres cinématographiques qui a interdit l’oeuvre aux moins de 18 ans. Les nombreuses scènes érotiques exprimant le désir avec une Bardot dénudée à la demande du producteur américain, Joseph E.Levine, ont eu raison de l’exposition de l’oeuvre. Godard, qui souhaitait limiter les passages nus de l’actrice, a dû se plier aux volontés de l’homme d’affaires. L’une des photographies les plus célèbres de « B.B » la voit allongée nue sur le lit conjugal au moment de demander à son mari : « Tu les trouves jolies, mes fesses ? ». Aujourd’hui, le public mineur est autorisé à apprécier cette fable sur la complexité des relations amoureuses et des quiproquos pouvant entourer chaque discussion voire chaque regard.
L’oeuvre de Godard ne doit évidemment pas se résumer à la plastique de la comédienne aujourd’hui âgée de 85 ans et retirée depuis quarante-cinq ans des plateaux de cinéma. Sa postiche noire au carré et la composition de Georges Delerue consacrée au personnage de Camille ont participé à la prospérité du drame. Des notes reprises par Martin Scorcese dans Casino tandis que le célèbre Mulholland Drive de David Lynch s’est conclu de la même manière que Le Mépris de Godard, à savoir par le mot « silenzio ».