Le Destin de Lisa : le succès de TF1 en attendant Ugly Betty
Exit les sirènes siliconées en maillot rouge, adieu les blondes platines lisses et insipides, les nouvelles idoles télévisuelles portent des bagues aux molaires à défaut de l’annulaire et ont une garde robe kitsch à souhait. Elles se prénomment Lisa ou encore Betty et aussi parodoxal que cela puisse paraître, c’est leur physique jugé « ingrat » qui séduit des millions de téléspectateurs à travers le monde. Fraîchement débarqué en France, Le Destin de Lisa fait ainsi le plein de fidèles sur TF1 chaque jour de la semaine. La chaîne privée a acheté les droits de diffusion de la version américaine, Ugly Betty, et une adaptation française serait même en projet !
A l’origine du phénomène, une télénovela colombienne datant de 1999, Yo soy Betty La Fea. Le succès est tel que le feuilleton est diffusé dans plus de 70 pays et est adapté en Inde, Russie, Grèce, Espagne, Israel ou encore en Allemagne sous le titre de Verliebt in Berlin. L’internationale Betty devient alors Lisa Plenske, une jeune fille bien élevée, gentille mais au physique peu avantageux. Cet handicap va ainsi lui fermer les portes de « Kerima Mode », une maison de haute couture notoire où elle postule en tant qu’assistante de direction. Mais le destin va en être autrement : David Seidel, le directeur général de la société, échappe de peu à la noyade grâce à Lisa. Devenue alors son « ange gardien », David décide de l’engager.
Diffusée à un rythme quotidien à 19h15, Verliebt in Berlin a été un succès outre-Rhin sur SAT1. Au point que l’ultime épisode a eu les honneurs d’une programmation en prime-time. Une exposition qui a permis à la chaîne privée de réaliser sa meilleure audience avec 7.35 millions de téléspectateurs, soit 25.9% de part de marché, contre moins de 10% habituellement atteint sur ce créneau horaire. Des performances qui ont été encore plus impressionnantes auprès des cibles jeunes : plus de 50% des moins de 20 ans étaient présents pour l’épilogue.
A l’heure de l’hégémonie des séries américaines, et plus particulièrement policières, qui aurait pu penser que TF1 fasse l’acquisition d’un feuilleton allemand, issu d’une production colombienne de surcroît ! C’est donc le pari quelque peu audacieux que la chaîne privée s’est lancée pour ce début d’année 2007 avec Le destin de Lisa. Le 8 janvier dernier, la jeune fille faisait son apparition sur les écrans français devant 1.6 million de curieux et 24.8% de part d’audience moyenne pour ses deux premiers épisodes. Le lendemain, ils sont 56 000 téléspectateurs supplémentaires à rejoindre le monde impitoyable de la mode et plus de 360 000 le jour suivant. En moyenne, ce sont ainsi 1.8 million de fidèles qui suivent les péripéties de la pauvre Lisa chaque jour de la semaine à partir de 16h25. Et le matin à 11h10, les rediffusions réalisent également de belles performances avec près d’un million d’aficionados.
C’est donc confiant que TF1 peut programmer Ugly Betty, la version américaine. Si le format passe de feuilleton quotidien au soap hebdomadaire, les ingrédients restent majoritairement identiques, à savoir : une jeune fille le cœur sur la main, celle de ses interlocuteurs sur le visage en la voyant et l’ascension sociale dans un milieu où tout est basé sur les apparences. Ici Betty Suarez vient du Queens et obtient le poste d’assistante du rédacteur en chef du magazine Mode, Daniel Meade. A l’instar de son homologue germanique, on retrouve une succession de clichés, une morale quasi-omniprésente et le manichéisme poussé à l’extrême : les gens riches sont forcément beaux en apparence - et dénués de toute forme d’intelligence - et les personnes pauvres sont donc moins attirantes mais sont honnêtes et dévouées. La série épargne en revanche le schéma si conventionnel du « papillon qui émerge de la chrysalide », où en un coup de ciseaux et de mascara l’héroïne aurait pu devenir une gravure de mode. Non, Betty reste intégre et affirme ce que les autres appelent sa « laideur ». Certains y verront une satire habile, d’autres de la mièvrerie, toujours est-il que Ugly Betty a conquis non seulement le cœur d’un grand nombre de téléspectateurs mais aussi celui de la critique.
Ainsi, lundi 15 janvier dernier, lors de la 46e cérémonie des Golden Globes à Los Angeles, le programme est reparti avec les prix de « Meilleure Série Comique » et « Meilleure Actrice dans une Série Comique » pour America Ferrera, le tout sous une pluie d’applaudissements et une standing ovation de tous les professionnels présents dans la salle ! L’occasion pour l’actrice principale d’offrir un discours émouvant : « Je ne considère pas Betty comme moche. Je la vois proche des filles que je côtoie dans la vie de tous les jours. Le titre de la série fait référence à la façon que nous avons de nous trouver moches si nous n’atteignons pas les espérances qui nous sont fixées. Il y a des millions et des millions d’Ugly Betty dans nos propres vies, et il est nécessaire d’arrêter d’utiliser ce mot, plus particulièrement envers nous-mêmes. » L’auditoire est touché. Annette Bening, femme de Warren Beatty, fait partie des célébrités s’essuyant les yeux.
Jamais l’actrice Salma Hayek ni même le producteur Ben Silverman (The Office) n’auraient pu s’attendre à un tel succès lorsque qu’ils ont acheté les droits d’adaptation de Yo soy Betty La Fea pour les Etats-Unis. A l’origine prévue le vendredi dans une case horaire un peu confidentielle, ABC donne sa chance à Ugly Betty et va même jusqu’à la propulser le jeudi soir à 20 heures face à Survivor (Koh Lanta sur TF1) ! Pour faire la promotion de sa nouvelle série, la chaîne envoie une centaine de clones du personnage de Betty dans les rues de New York City et plus particulièrement les lieux phares de la mode ! Tous ces efforts finiront par payer... En effet, le lancement d’Ugly Betty le 28 septembre dernier, attire quelques 16.3 millions de téléspectateurs outre-Atlantique et permet à ABC de talonner sa concurrente CBS sur la cible des 18/34 ans et même de la surpasser auprès des femmes. Le pilote réalise également la meilleure audience pour une nouveauté cette saison, toutes chaînes confondues. Depuis, se sont en moyenne plus de 13 millions de fidèles qui suivent à un rythme hebdomadaire les péripéties de Betty.
A l’heure où le monde de la mode n’a jamais été autant décrié à cause de ses modèles trop filiformes, Lisa, Betty et autres jeunes filles soint outrageusement « enlaidies » pour mieux faire passer le message sur la superficialité des apparences. Une association a même vu le jour outre-Atlantique pour défendre ces valeurs. La série propose ainsi un mouvement social pour rejeter « les standards physiques irréalisables » de la société, via le site beugly07 où il est même possible de se procurer des t-shirts « Be Ugly » ! La France adhèrera t-elle ? Réponse dans les prochains mois...