La Matinale : le réveil matin des fidèles de Canal +
Lancée en septembre 2004, La Matinale de Canal + s’apprête à fêter sa 600e. Pour l’occasion, la « dream-team » de Bruce Toussaint recevra le groupe IAM en invité vedette le 12 avril. Cet anniversaire est l’occasion d’un bilan.
A l’origine, Thierry Gilardi et Stéphanie Renouvin, aux commandes de ce nouveau programme d’accompagnement du matin, avaient pour mission de renouveler le genre. Les historiques ont quitté le navire (dès octobre 2004, Bruce Toussaint remplaçait Thierry Gilardi, appelé sur TF1, et Ele Asu a pris en septembre 2006 la relève de Stéphanie Renouvin, partie pouponner), mais l’ambition est toujours la même : créer une nouvelle télé du matin, plus dynamique, plus moderne. Et la tâche est rude. A la différence des Anglo-Saxons, une écrasante majorité de Français se réveillent en allumant leur radio. Quand ils optent pour le petit écran, c’est vers France 2 qu’ils se tournent en masse. Le cocktail d’information et de vie quotidienne de William Leymergie dans Télématin, qui a fêté ses 22 ans, séduit 50% du public, avec des pics d’audience à 75%. M6 s’est lancée sur le créneau en juillet 2000 avec le Morning Live. Aujourd’hui, les 350 000 fidèles de Michaël Youn ne sont plus forcément devant le Morning Café de Pierre Mathieu, mais les sketchs et les clips attirent encore 30% des 15/24 ans.
Malgré cette forte concurrence, Canal + a réussi à trouver sa place, grâce à son « émission qui réveille les idées », comme aime à l’appeler Ara Aprikian, directeur du pôle flux de la chaîne. Les audiences, qui restent modestes, ne cessent de croître : de 3% du public en janvier 2006, elles sont passées à 4,8% en moyenne en mars 2007, soit 200 000 téléspectateurs. Grâce à La Matinale, la chaîne réalise ainsi ses meilleures performances sur cette case depuis plusieurs années. En février, elle était régulièrement devant M6, jusqu’à atteindre son record historique le lundi 5 mars : 7,7% de parts de marché, soit plus de 280 000 fidèles.
Comment expliquer ce succès ? Pour Bruce Toussaint, le chef d’orchestre, c’est « la saison de la maturité ». « On a trouvé nos repères et la tonalité de l’émission. » A savoir une priorité donnée à l’actualité - notamment à la politique - sans oublier la culture, le tout avec un regard décalé, dans l’« esprit Canal ». Surtout, l’ambiance sur le plateau est conviviale, spontanée. Difficile de croire qu’il est si tôt. Ici pas de présentatrice météo qui s’endort sur sa carte de France, ni de cuisinier ratant sa démonstration du maniement du hachoir (« J’ai beau être matinal, j’ai mal ») comme dans la parodie des Inconnus, Youpi Matin.
Tout le monde est bien réveillé dans la fine équipe que l’on retrouve du lundi au vendredi de 6h55 à 8h40, en direct et en clair. Bruce Toussaint prend en charge deux éditos et deux interviews. « On me demande plusieurs fois par jour si c’est difficile de se lever le matin. Non, ce n’est pas difficile. C’est au-delà. » Il se définit tout de même comme « le journaliste le plus heureux du PAF ». Elé Asu, auparavant sur Direct 8, fait sonner son réveil à 2h45 pour préparer les 4 journaux de l’émission, toutes les demi-heures. Caroline Roux, ancienne du service politique d’Europe 1, mène l’interview politique de 7h45. Mouloud, que l’on a connu sur MTV, suit les hommes politiques avec un regard neuf. Léon Mercadet analyse l’actualité par le prisme de la science. Xavier de La Porte, venu de France Culture, explique le sport avec des références littéraires, sociologiques ou historiques. L’objectif : « Intéresser les gens qui n’aiment pas le sport. Mon cœur de cible, c’est Marie Colmant. » Cette dernière s’occupe des rubriques Médias et Culture, et participe à la seconde interview du jour. Daphné Burki enfin s’occupe des tendances, du yoga pour chien aux lunettes sans verres. A ces permanents se joint chaque jour un chroniqueur : le mercredi, on parle cinéma avec Xavier Leherpeur, le jeudi, livres avec François Bégaudeau...
L’approche de l’échéance présidentielle n’est sans doute pas étrangère non plus aux audiences satisfaisantes de ces dernières semaines. Le dispositif de l’émission est donc aménagé depuis le 20 mars et le début de la campagne officielle. L’interview politique de Caroline Roux (qui correspond à un pic d’audience tous les jours) est rallongée, et Léon Mercadet s’intéresse à l’« Histoire des campagnes » : qui était donc le premier président de la République ? La Matinale est désormais reconnue comme un rendez-vous médiatique important, et les visites de Ségolène Royal et François Bayrou sont d’ores et déjà prévues.
Au final, la bonne humeur de la joyeuse bande est communicative, et elle semble sincère. Et quand on demande à Stéphanie Renouvin, présente dans l’émission jusqu’en juin 2006, quel est son meilleur souvenir professionnel, elle répond sans hésiter : « Incontestablement, La Matinale. C’est mon pire cauchemar au niveau du rythme, mais mon meilleur souvenir humainement et professionnellement parlant. C’est chaque jour une partie de plaisir de retrouver une équipe qu’on aime, avec qui on s’entend bien. » Voilà qui pourrait donner envie à un nombre croissant de téléspectateurs de commencer la journée devant Canal +.