La Bonté des femmes > Rencontre avec André Dussollier
Icône du cinéma français, André Dussollier n’a cessé d’étoffer sa palette de rôles, jonglant sans difficulté avec le théâtre, la télévision, les films populaires ou ceux d’auteurs. Césarisé, l’acteur s’est tantôt prêté à un rôle de narrateur pour les besoins d’Amélie Poulain, après avoir fait partager au plus grand nombre ses frustrations de géniteur d’un trentenaire accroché au nid familial dans Tanguy. Aujourd’hui, c’est sur le petit écran qu’André Dussollier incarne un nouveau personnage, celui de Paul dans La bonté des femmes. Adaptée par son auteur Marc Dugain, cette fiction signe une seconde collaboration entre l’écrivain et l’acteur qui avait tenu le rôle de Staline dans l’adaptation du roman Un crime ordinaire. Empruntant les traits de Paul, éditeur parisien, André Dussollier va ici, rassembler femme, enfants et maîtresse dans sa maison de campagne pour les protéger d’une épidémie...
Aurélie Demarcy : Par quoi avez-vous été séduit dans ce projet pour France 2 ?
André Dussollier : Tout d’abord la nouvelle, et puis la particularité du huis clos transposé sur petit écran. C’est une réalisation un peu différente de ce qu’on a coutume de voir à la télévision. Par ailleurs, j’ai pour habitude d’entretenir une continuité avec les metteurs en scène pour lesquels j’ai déjà tourné et qui m’ont laissé un souvenir particulier et frappant comme le fait d’avoir interprété Staline. Ça m’a donc plu de retrouver Marc Dugain et Yves Angelo pour ce tournage.
Comment avez-vous appréhendez le rôle de Paul ?
Ce n’est pas tellement habituel de raconter des histoires sous forme de huis clos à la télévision. En général, c’est plutôt l’inverse, il y a des événements, et là, la difficulté pour nous était de créer un suspens avec des rapports en demi-teintes et en dehors des mots, tout en créant une atmosphère propice à ces non-dits. C’est le style de Marc Dugain, les choses sont toujours dites de façon indirecte, elles se devinent...
Ce rôle a-t-il été plus simple à interpréter que celui de Staline confié à l’occasion du premier film tiré d’un roman de Marc Dugain, Une exécution ordinaire ?
Plus simple, oui et non. C’est un personnage qui est plus proche de moi, mais en l’occurrence, le personnage de Staline est tellement éloigné de toute comparaison qu’après tout il n’y a pas de tergiversation, ni aucun risque de confusion avec soi-même. De ce fait, l’objectif à atteindre est plus évident, moins opaque. Tandis qu’avec le personnage de Paul, qui m’est beaucoup plus familier, il est plus difficile de se renouveler.
La nouvelle de Marc Dugain a-t-elle été retravaillée pour son passage sur petit écran ?
Oui, il y a certaines différences. L’histoire écrite développe davantage le thème de l’épidémie. Là, elle intervient comme un prétexte. Paul profite de cette circonstance pour mettre sa famille, mais également sa maîtresse à l’abri. En profitant de ce contexte, il leur remet la tâche de choisir de son destin. Il laisse la vie décider pour lui. C’était un rôle de composition pour moi (rires).
Comment expliquez-vous le fait que le petit écran fasse appel à des auteurs pour des besoins cinématographiques ?
La télévision fait quelquefois des tentatives en lançant des choses inédites. Par exemple, dans les années 80, ils avaient demandé à des hommes politiques d’écrire des sujets. Moi, j’avais joué pour un texte écrit par Jean-Pierre Chevènement. Aujourd’hui, le service public semble vouloir confier cette mission à des auteurs contemporains qui n’avaient pas l’habitude d’écrire pour le petit écran, afin de faire des programmes différents. Et dans ces cas-là, on m’appelle (rires).
Êtes-vous régulièrement sollicité par le petit écran ?
Non, pas tellement. On dirait que la télévision vit en vase clos avec des comédiens qui tournent souvent ensemble. On sent que c’est comme un monde qui se referme et qu’il n’y a quasiment que les unitaires qui permettent d’être demandé. On n’arrive pas à savoir comment les portes s’ouvrent et se referment.
Aimeriez-vous décrocher un rôle récurrent dans une série ?
Oui beaucoup, mais sur une courte durée. J’en ai déjà eu quelques uns, notamment avec Vérité oblige, où je jouais un professeur de droit amené à résoudre des enquêtes. L’inconvénient avec ce genre de rôles, c’est qu’ils nous empêchent de faire autre chose. On est cantonné à un personnage précis ce qui limite l’imaginaire des metteurs en scène sur notre capacité à incarner des protagonistes divers. La récurrence qu’elle soit à la télévision ou au cinéma est un piège pour un acteur, même si quelque fois on n’a pas vraiment le choix. Mais je trouve que point trop n’en faut.
Quel genre de programme appréciez-vous particulièrement à la télévision ?
Je suis un véritable consommateur de séries américaines. J’aime beaucoup Six feet under, et dernièrement j’ai découvert In treatment. La télévision américaine fait des séries d’une telle qualité d’écriture et de scénarios qu’elle parvient à rivaliser avec son cinéma.
Le public va bientôt vous retrouver dans une troisième adaptation d’une nouvelle d’Agatha Christie, signée Pascal Thomas...
Oui avec de nouveau Catherine Frot. Mais pour cette adaptation, il fallait qu’il innove donc Pascal Thomas est parti des personnages et de l’atmosphère, mais pas dans un fond de roman d’Agatha Christie. Cette fois, il a choisi de transposer l’histoire dans un monde imaginaire, c’est du délire pur de Pascal Thomas.
On vous retrouve également su scène depuis le 15 janvier dernier...
Il s’agit de Diplomatie, une pièce de Cyril Gely, dans laquelle je suis en face à face avec Niels Arestrup. Ça se passe à la fin de la guerre, quand les Allemands avaient pris la décision de faire sauter Paris. Je joue un ambassadeur suédois qui tente de dissuader le général Dietrich von Choltitz, chargé de la mission par Hilter. Puis, au mois de mai sortira l’adaptation du roman de Philippe Dijan par André Téchiné, Impardonnables, dans lequel je donnerai la réplique à Carole Bouquet, Mélanie Thierry et Adriana Asti.