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Jérôme Cathala (Directeur des magazines d’information de France TV) : « Les éditions de TF1 suivent régulièrement ce que nous faisons »

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Directeur exécutif en charge des contenus
Publié le 19/05/2014 à 13:33 Mis à jour le 04/06/2014 à 17:33

Depuis 2010, Jérôme Cathala est le directeur des magazines d’information de France Télévisions. Après un passage par direction des journaux nationaux de France3, celui qui a débuté sa carrière en tant que rédacteur-reporter à France3 Ile-de-France et TF1 a une vision affûtée des journaux du service public. Pour Toutelatele, il est revenu sur les audiences des journaux de France Télévisions suite à la publication du TOP 30 des JT les plus regardés.

Benjamin Lopes : Avec 4.28 millions de téléspectateurs en moyenne, soit 17.1% des 4 ans et plus et 9.5% des ménagères, le journal de 20 heures de France 2 est le dixième journal le plus regardé d’Europe. Comment interprétez-vous ces résultats ?

Jérôme Cathala : Au-delà du seul 20 heures, ce qui est intéressant à travers ce classement est de dénombrer trois éditions du groupe France Télévisions, à savoir les JT du soir et de 13 heures de France 2, et le 19/20 national de France 3. On est donc globalement satisfait, mais pas surpris. Nous faisons également de l’information sur le numérique où nous avons de plus en plus de succès puisque FranceTVinfo est le troisième site d’information en France. On maintient donc un bon niveau d’audience pour les JT télévisés classiques, et dans le même temps nous touchons un public de plus en plus nombreux sur le numérique. En revanche, nous cherchons malgré tout à améliorer nos offres en toutes circonstances.

Le journal de France 2 a perdu du terrain alors que TF1 est parvenue à en regagner à 20 heures. Comment l’analysez-vous ?

Il faut voir cette situation dans le temps. On se souvient évidemment de la baisse d’audience du journal de TF1 il y a quelques années, et ça a changé. Nous travaillons actuellement à un changement qualitatif du 20 heures de France 2 justement parce qu’il y a des hauts et des bas. Après, il a toujours existé une petite prime à TF1, car c’est la première chaîne de télévision historiquement présente sur les écrans, et que c’est encore resté dans les esprits, en terme de réflexe en appuyant sur le premier bouton.

David Pujadas confiait en 2012 lors de la baisse du journal de Laurence Ferrari, « TF1 a sans doute un problème de politique éditoriale ». N’est-ce finalement pas aujourd’hui le cas de France 2 ?

Je crois que le journal de TF1 a repris un peu de couleurs, car il en avait énormément perdu. De fait, il n’en a pas gagné par rapport à ce qu’il faisait il y a cinq ou six ans. Globalement, nous savons qu’il est de plus en plus difficile d’attirer les téléspectateurs sur des émissions d’information. D’abord, car l’information est partout d’une certaine manière dans les pays occidentaux. Il faut apporter de la valeur ajoutée à l’information, car tout le monde la connait ou en a entendu parler. Quand on regarde les chiffres, il y a des millions de Français qui viennent regarder l’offre d’information de France Télévisions entre 19 heures et 20h40. Il existe encore donc le sentiment que notre information est validée. Je pense que le public attend de nous plus d’explications et plus de décodages. Nous travaillons toujours sur cela. Notre politique éditoriale reste la même et il existe différentes façons de la traiter. Il y aura quelques surprises assez puissantes à la rentrée.

« TF1 a globalement validé notre politique éditoriale, car ils se sont calés sur ce que nous faisions il y a deux ans déjà »

Thierry Thuillier a annoncé un nouveau journal pour la rentrée 2014 avec « dans la dernière partie du journal des sujets plus magazine qui intéressent davantage les Français, avec plus de décryptages », soit exactement la stratégie appliquée au journal de TF1 il y a deux ans. Comment le 20 heures de France 2 compte-t-il innover et proposer sa propre signature ?

Je ne peux évidemment pas vous répondre dans le détail (rires). On ne veut pas donner trop d’informations à nos amis, mais néanmoins concurrents. TF1 a globalement validé notre politique éditoriale, car ils se sont calés sur ce que nous faisions il y a deux ans déjà. C’est donc une demi-satisfaction. Nous avons toujours été dans la mise en œuvre de politiques éditoriales ambitieuses sur le fond avec des décodages et l’invitation de personnalités prestigieuses, mais aussi parfois pas toujours simples d’accès. On parle aussi beaucoup de sujets étrangers. Nous avons, par exemple, ouvert le 20 heures sur la Turquie (la catastrophe minière du 13 mai 2014, ndlr), c’est un vrai choix, et objectivement tout le monde ne l’a pas fait si vous regardez les conducteurs de nos concurrents. Nous sommes toujours dans l’innovation.

Le journal de 13 heures d’Élise Lucet est largement devancé par celui de TF1 avec 2.37 millions de téléspectateurs (18%) contre 6.53 millions (44.6%) pour Jean-Pierre Pernaut. Êtes-vous satisfait de ces scores ?

On n’est jamais satisfait des scores. Bien évidemment, on souhaiterait que nos journaux soient numéro un en France, pas par ambition, mais uniquement, car nous pensons que notre mission de service public, c’est justement d’avoir du public en face. Les téléspectateurs présents devant cette édition sont déjà relativement importants. Ce qu’il faut voir aussi c’est que nous avons l’offre d’information la plus large, avec plus d’éditions que TF1. On y met donc beaucoup d’énergie et de moyens.

Est-ce impossible pour France 2 d’inverser cette tendance à 13 heures ?

Je ne pense pas que cela soit impossible, maintenant c’est évidemment difficile. En matière de télévision, il faut rester humble, car les hauts et les bas arrivent très fréquemment. De fait sur ce créneau horaire, il y a une certaine stabilité depuis quelques années. En plus des audiences, il faut aussi parler du contenu des journaux et nous avons clairement à 13 heures une politique éditoriale extrêmement différente de TF1. Nous faisons beaucoup de sujets d’actualité, même quand ils ne sont pas forcément sympathiques et souriants. On fait aussi de la découverte culturelle, on joue également sur l’image en créant des feuilletons. On a fait un journal qui a une ambition très forte et qui bénéficie d’un public fidèle. Clairement, ça ne veut pas dire qu’il n’y a rien à changer. On garde toujours l’objectif d’être leader, mais notre ambition première reste de proposer un journal de service public avec de la valeur ajoutée.

Partie 2 > L’habillage des journaux de France 2, son regard sur les JT étrangers et le projet Info 2015


En Europe, ce sont principalement des chaînes publiques qui sont leader de l’information (RAI, ARD, BBC, TVP1, Ned1, DR1, Yle TV1, STV1, Een). Pourquoi France 2 ne bénéficie pas autant de l’adhésion du public en France par rapport à ses consœurs européennes ?

La Une reste in fine dans certains esprits, notamment auprès du public âgé qui est assez important sur TF1, la chaîne qui a un petit côté service public, car elle l’a été. Elle a conservé ce crédit et cette stature qui se rapproche de celle du service public. C’est bien l’histoire française pour le coup qui a choisi de privatiser une chaîne qui était publique au départ. Dans le même temps, nous avons une ambition assez élevée pour l’information du service public avec un auditoire exigeant. Nous parlons d’ailleurs régulièrement d’actualité étrangère. On fait monter la barre de la qualité aujourd’hui face à des publics qui ne nous suivent pas encore toujours, mais ils vont revenir, car il y a une partie de l’information un peu moins travaillée ailleurs dont les gens vont se lasser. Dans un monde qui est hyper changeant et complexe, on va avoir besoin de référence, et nous avons cette ambition.

L’access prime time de France 2 est également pointée du doigt par Thierry Thuillier (le directeur des programmes de la chaîne, ndlr) pour expliquer la baisse d’audience du 20 heures. Pourtant, le jeu sera conservé à l’antenne à la rentrée. N’êtes-vous pas déçu de cette stratégie ?

Les équipes de France 2 travaillent sur l’ensemble de la grille et je pense que certaines choses vont créer la surprise ici et là. L’important reste la chaîne dans sa globalité, car nous sommes un journal dans France 2. Je pense que Thierry Thuillier, qui a à la fois l’œil sur les programmes et l’information, sait parfaitement ce qu’il fait. À priori, l’ensemble devrait nettement mieux fonctionner la saison prochaine.

Vous avez beaucoup exploité les infographies cette année dans les éditions de France 2. Quelle importance apportez-vous à l’image de vos journaux, aussi bien au niveau de la scénographie que de son identité visuelle ?

Nous innovons beaucoup en la matière, avec l’habillage du journal, la façon dont on se déplace sur le plateau ou encore la manière dont est traitée l’image. Pour nous, c’est assez important, car c’est ce qui va soutenir notre politique éditoriale. Clairement, encore une fois par rapport à l’ensemble de la concurrence, il faut être à la fois béton et sans contestation possible sur le fond, et par ailleurs savoir montrer les choses. L’image au sens large est vraiment la spécialité du service public. On regarde également les techniques les plus modernes pour créer ces visuels. Nous sommes par ailleurs les seuls à utiliser une caméra-grue pour le 20 heures, pas par démonstration, mais parce qu’on entre dans le journal avec cet outil. Il n’y a aucune image ni effet gratuits dans les journaux de France 2.

« Il n’y a aucune image ni effet gratuits dans les journaux de France 2 »

France 2 couvre avec succès les évènements importants et s’empare régulièrement du leadership à ces occasions. N’est-ce pas finalement la preuve que la chaîne sait réunir pour les grands évènements, mais n’adopte pas la bonne stratégie aux grands carrefours ?

Ce sont les mêmes équipes qui font les évènements spéciaux et les éditions de 20 heures et 13 heures. On a retrouvé le leadership sur ces grands évènements en apportant de l’innovation et des nouveaux moyens. Il y a cinq ou six ans, nous avons donné un grand coup de vieux à la concurrence avec le journal de David Pujadas. Les gens nous ont suivis. L’impression que nous avons globalement, c’est que les éditions de TF1 suivent régulièrement ce que nous faisons, et nous avons donc l’obligation d’innover constamment, ne serait-ce que pour ça. C’est ce que nous allons faire la rentrée en ajoutant de la dynamique dans l’éditorial et dans les contenus.

France 2 s’intéresse-t-elle aux JT à l’étranger ?

Nous regardons évidemment ce qui se fait en dehors de nos frontières. On s’aperçoit qu’on en revient à beaucoup de choses quand on regarde aussi bien à l’étranger qu’en France. Il y a des sortes de cycles de manière de montrer l’information. On s’intéresse à tout ça. Non seulement, car il peut y avoir de bonnes idées qu’on n’aurait peut-être pas eues avant, mais aussi pour voir ce qui ne fonctionne pas. Nous sommes toujours en discussions avec nos amis de la télévision publique belge, suisse et britannique.

Vous coordonnez également Info 2015, à savoir la coordination des rédactions de la Deux, de France 3 nationale et de FranceTVInfo. Quels sont les axes de cette réforme et les enjeux pour le groupe ?

La philosophie profonde de ce projet est de créer une identité rédactionnelle au service d’un projet éditorial. Nous voulons faire travailler conjointement les rédactions pour avoir une stratégie d’information France Télévisions et pour avoir une cohérence. C’est ce qu’on fait les grands groupes publics européens. Il est également majeur que nos éditions soient différenciées. On reste persuadés que la valeur ajoutée, le décryptage, les sujets ambitieux restent la marque du service public, celle qui nous rend référent et qui nous permet d’avoir la confiance du public. Il nous est apparu aujourd’hui que c’était en rassemblant nos forces en matière journalistique que nous arriverons à donner le maximum d’identité à l’ensemble de nos éditions à un moment où tous les services publics sont en difficulté dans le monde. Nous avons justement décidé de ne pas attendre d’être en difficulté et de prendre de l’avance sur une organisation assez révolutionnaire pour France Télévisions, mais au service des éditions, avec une présentation aux institutions représentatives du personnel d’ici la fin de l’année 2014. Ce projet sera mis en œuvre dès 2015.