Gilles Bouleau (Vie Politique, TF1) : « On n’est pas là pour recueillir la sainte parole d’un homme politique »
TF1 repositionne une émission politique après 16 ans d’absence en access prime time le dimanche avec Vie Politique, présentée par Gilles Bouleau. Le présentateur du journal de 20 heures de la chaîne privée est revenu pour Toutelatele sur la genèse de cette émission et ses spécificités.
Benjamin Lopes : Comment est née l’émission Vie politique sur TF1 ?
Gilles Bouleau : : Elle est née de la conjonction de plusieurs facteurs. Tout d’abord du calendrier puisque dans moins d’un an les Français vont voter pour élire un nouveau Président de la République, la clé de voûte de tout en France. On lui demande tout et on lui reproche tout. L’émission est aussi née d’un climat de désamour assez profond à l’égard des politiques d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Et enfin, nous avons fait un troisième constat, à savoir de l’amour désordonné et immodéré des Français pour la politique, mais ils n’aiment pas leurs femmes et leurs hommes politiques. Nous sommes un média apolitique, qui doit faire preuve de pédagogie, qui s’adresse au plus grand nombre et c’était notre rôle d’aider les citoyens à se forger une opinion.
Comment s’est opérée votre nomination à la tête de ce programme ?
J’ai participé au projet de cette émission politique dès le début, de manière informelle. On a échangé avec la direction de l’information sur un morceau de papier. Ça a été une véritable décantation avec Christophe Jakubyszyn (directeur adjoint chargé du service politique de TF1/LCI, ndlr). On est très complices et on a beaucoup échangé sur ce qui pouvait se faire à l’étranger. On a construit ensemble le conducteur. On ne voulait pas du tout une émission radiophonique.
Vous héritez d’une case où il n’y a pas eu d’émission politique depuis 2000 sur TF1, occupée habituellement par Sept à Huit. Est-ce un défi pour vous ?
C’est une tranche horaire très exposée, mais je pense qu’il y a une attente des téléspectateurs qui savent qu’ils vont être dans un écrin d’information. C’est en amont du journal de 20 heures d’Anne-Claire Coudray en plus. On s’est dit qu’il fallait qu’on créé Vie Politique à cet horaire. On n’est pas là seulement pour les geeks et les fondus de politique, mais pour les gens qui se demandent pour qui ils vont voter dans moins d’un an. Cette case est tout à fait appropriée pour aider les Français à comprendre les ressorts des politiques. Vie Politique est une émission ponctuelle en temps que de besoin. On n’a jamais vu ce genre d’émission sur d’autres chaînes.
C’est une émission évènementielle, mais les bulletins des programmes sont communiqués longtemps à l’avance. Comment allez-vous faire pour coller au mieux à l’actualité politique qui va être riche et imprévisible avant la campagne ?
On ne va pas se coller à l’actualité. À partir du moment où l’on estime que telle femme ou tel homme politique est dans l’air du temps, qu’il existe une problématique, une attente, une énigme et une dynamique, il vaut mieux qu’ils soient chez nous qu’ailleurs.
« La parole politique est aujourd’hui totalement diluée et démagnétisée et on veut lui redonner du poids et de l’intérêt »
Vous évoquiez le désamour des Français pour les politiques. Comment vendez-vous l’émission pour que les téléspectateurs s’intéressent à leurs parcours via Vie Politique ?
On souhaite éclairer le jugement des citoyens sur la construction de l’œuvre politique de ces hommes et femmes politique, sur leur positionnement à droite, au centre, ou à gauche. Il y aura aussi une certaine forme de contradiction, car ils pouvaient tenir des positions différentes il y a dix ans. C’est une émission très séquencée avec des césures, des rebonds, des surprises, et du suspense. On ne voulait pas d’une émission qui ressemble à un fleuve qui dure 60 minutes. On a voulu quelque chose de très télévisuel, produit et construit.
Le format sera intimiste, sans parler de la vie privée des politiques, tout en soulevant leurs contradictions. Quel va être l’ambiance générale de Vie Politique ?
L’équation générale de l’émission c’est faire mieux connaître la personne. On enlève les discours et on essaie de comprendre qui est la personne, pourquoi à ce stade de son parcours politique il pense de cette manière. Est-on dans la tactique ou est-ce le fruit d’une conviction intime, d’un parcours, d’une expérience, d’une chute, d’un rebond ? On n’est pas là pour recueillir la sainte parole d’un homme politique.
LCI fait déjà de la politique et elle est désormais en clair sur la TNT. Comment se démarquer d’une émission comme Bureau politique par exemple ?
Il existe quelque chose de génial dans Bureau politique qui est cette envie de donner du relief et une dimension personnelle aux hommes politiques. Nous reprenons des éléments de cette excellente émission dans Vie Politique en ajoutant de nouvelles séquences.
Vous avez évoqué des émissions étrangères en guise d’inspiration pour Vie Politique. Lesquelles vont ont particulièrement marqué ?
J’ai regardé pendant des années aux États-Unis le talk show de David Letterman qui n’invitait pas que des acteurs d’Hollywood, mais aussi des hommes politiques. Dans ce talk-show, il s’est parfois passé des moments politiques étonnants. Il y a quelques semaines, Hillary Clinton a été incroyable dans un late show outre-Atlantique. Ce n’est pas le registre que l’on va adopter, mais on s’est demandé à la suite de quels stimuli on peut arriver vers ce type de réaction et de réponse. Il y a la présence du public, la rareté du temps. La parole politique est aujourd’hui totalement diluée et démagnétisée et on veut lui redonner du poids et de l’intérêt.