Eurovision 2017 : le producteur Christer Björkman révèle les dessous d’un show unique au monde
Christer Björkman est l’homme qui se cache derrière le retour en force de la Suède à l’Eurovision ces dernières années. Il est aussi l’un des artisans du succès des éditions organisées à Malmö en 2013 et à Stockholm l’an dernier. Alors lorsqu’il a fallu sauver l’Eurovision 2017, la télévision ukrainienne, plombée par les retards à répétition et les départs fracassants, s’est tournée très naturellement vers lui. En exclusivité pour Toutelatele, il révèle les détails de cette opération commando.
Dans les coulisses du centre des expositions qui accueille le concours, près de 500 personnes sont mobilisées. Rien que pour la retransmission télévisée, 70 techniciens s’activent dans l’ombre et une vingtaine de personnes se consacre à la création du show sous la houlette du producteur suédois. La première moitié s’occupe, en lien avec les différentes délégations, des prestations des 42 candidats en lice tandis que la seconde est en charge des séquences d’ouverture et des intermèdes. Une équipe en réalité très réduite, comme le temps de préparation à disposition. « En Suède, on a commencé à travailler dès le lendemain de la victoire, précise Christer Björkman, Ici, c’est une tout autre histoire : le choix de la ville et des prestataires techniques a pris beaucoup plus de temps ; on a vraiment commencé à travailler il y a 4 semaines. »
En Ukraine, Christer Björkman a aussi dû composer avec des confrères pas toujours en phase avec la rigueur scandinave, au point de craindre le pire : « J’ai trouvé les premières répétitions complètement désastreuses… Mais à la dernière minute, tout est finalement rentré dans l’ordre. » Pour la finale, il se veut philosophe : « Ce soir (vendredi, NDLR), je ne vais pas hurler sur tout le monde, car, en fin de compte, demain, tout ira bien ! »
Avec une équipe internationale aux commandes, n’y avait-il pas un risque que l’Ukraine se sente mise à l’écart ? « Il fallait absolument que le public ukrainien trouve son compte. Nous avons veillé à associer la richesse culturelle et historique du pays avec des aspects plus modernes. » Ainsi les tableaux folkloriques alternent-ils avec des artistes locaux émergents comme Monatik ou Onuka.
« J’ai trouvé les premières répétitions complètement désastreuses… Mais à la dernière minute, tout est finalement rentré dans l’ordre »
Dans les cartes postales en revanche, pas de promotion touristique. Les clips diffusés entre les interprétations mettent uniquement à l’honneur les candidats. Et là encore, l’ancien chef de la délégation suédoise a pensé à tout… « Dans le projet initié avant mon arrivée, il était question d’ajouter des plans en direct. Je trouvais cela trop risqué : quand un artiste se concentre avant d’entrer en scène, il est difficile de le faire interagir avec la caméra. » L’équipe créative a ainsi intégré aux images fournies par les différents diffuseurs une présentation tournée lors des premières répétitions en costumes, un moment plus propice.
L’autre élément distinctif de ce cru 2017, c’est l’immense structure verticale composée d’écrans et de projecteurs suspendue au-dessus de la scène baptisée « chandelier » : « Ce n’est pas une nouveauté technique en soi mais une façon originale de les combiner. » Le producteur est cependant fier de la trouvaille : « La première fois que je l’ai vue, j’étais époustouflé ! »
Même s’il regrette que la délégation française n’ait pas souhaité l’utiliser, Christer Björkman avoue apprécier la proposition tricolore : « Comme celle de l’an dernier, la chanson est vraiment bien. Ils sont sur la bonne voie, ils ont compris ce qu’est l’Eurovision aujourd’hui : un tremplin pour de la musique moderne. » L’ancien chanteur, qui avait représenté son pays en 1992, lance cependant une petite mise en garde : « Pour que le public soit vraiment derrière la chanson, il faut une sélection nationale. C’est l’occasion pour lui d’exprimer ce qui lui plaît vraiment. »
En 2002, Christer Björkman avait su sortir la Suède de la spirale de l’échec en rénovant profondément le mode de désignation de son représentant. Un travail de longue haleine : cinq ans ont été nécessaires pour convaincre artistes, maisons de disque et radios de jouer le jeu. « Il faut se donner du temps pour construire une sélection nationale télévisée, prévient-il, Ça ne se monte pas en un an, c’est impossible. En Suède, ce n’est que petit à petit que tout le monde s’est mis d’accord. »
« La chanson de la France est vraiment bien. Ils sont sur la bonne voie, ils ont compris ce qu’est l’Eurovision aujourd’hui : un tremplin pour de la musique moderne »
Même si sa candidature est issue d’une sélection interne à France 2, Alma entend bien rassembler toute la France derrière elle. Et il faudra attendre la 26e et dernière chanson : c’est le producteur qui l’a décidé. « Nous étions dix réunis dans une pièce hier soir (jeudi, à l’issue de la conférence de presse clôturant la deuxième demi-finale, NDLR). À un certain moment, j’ai demandé à tout le monde de se taire et de me laisser réfléchir tout seul pendant une demi-heure. Ensuite, sur la base de ma première proposition, chacun a pu faire ses suggestions et l’ordre de passage s’est dessiné. »
Le déroulement de la soirée obéit à toute une série de considérations. Les favoris sont répartis tout au long de la soirée, pour maintenir l’intérêt des téléspectateurs. Les performances qui demandent une installation technique complexe sont, quant à elles, astucieusement placées après une pause. Il faut enfin éviter que deux prestations trop ressemblantes se suivent. Le numéro 26 portera-t-il chance à Alma ? En tout cas, si elle décroche la victoire, Christer Björkman aura été son ange gardien...