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Dans les coulisses de CUT !, la nouvelle série de France Ô

Robin Girard-Kromas
Publié le 29/09/2013 à 19:03 Mis à jour le 17/10/2013 à 11:39

L’île de la Réunion, au creux d’une nature préservée, a accueilli entre mars et août dernier, le tournage de Cut !, le nouveau feuilleton quotidien de France Ô diffusé à compter de ce 30 septembre à 18h45. Laura (Julie Boulanger), une maman de 32 ans, fait son retour sur l’île au sein de sa belle-famille. Prête à régler ses comptes, celle-ci découvre rapidement que son fils adolescent Jules est l’objet de convoitise… S’engage alors une lutte familiale, où tous les coups sont permis.

Une machine bien rodée

Avril 2013. Int. Jour. 17 heures. Plus d’un mois après le début du tournage, la machine Cut ! est déjà bien rodée. Dans le jardin, comédiens et équipe technique s’affairent à la mise en boîte d’une nouvelle scène. Charles, le patriarche machiavélique, parvient à faire signer un sombre contrat à sa belle-fille, Laura. Son petit-fils, Jules, assiste à la scène, tout comme l’avocat de la famille. Les principaux ressorts du soap sont bien présents, avec la traditionnelle trahison familiale. Il est 17 heures, la journée, débutée à 5h30, va bientôt s’achever et les effets de la fatigue se font ressentir.

Dans une ambiance bon enfant, les répétitions de la dernière scène prennent place. Pour les filmer, deux caméras sont mobilisées, la troisième étant de voyage aux quatre coins de l’île pour y capturer des « images de transition ». Les deux cadreurs prennent leurs marques alors que les acteurs interprètent la scène pour la première fois. Ces réglages en place, trois prises sont nécessaires pour satisfaire le réalisateur, Stéphane Meunier, l’oeil toujours rivé sur les retours offerts par les caméras. « Sur Cut !, les méthodes de travail sont différentes de tous les tournages que j’ai pu faire », assure Julie Boulanger entre deux scènes « Stéphane est en osmose avec ses deux cadreurs et ils sont tous les trois dans une créativité du moment avec des caméras épaules qui bougent sans arrêt. L’image produite est superbe, mais c’est assez déstabilisant en tant qu’acteur. Il faut être complètement concentré en permanence. »

Un budget réduit

Budget réduit oblige (environ 50 000 euros par épisode), Cut ! a recours à la pratique du « cross boarding », à savoir un tournage guidé par les décors et les personnages et non la chronologie de l’histoire. Sur la même journée, des images de plusieurs épisodes différents sont ainsi mises en boîte. «  Nous produisons en moyenne 18 minutes utiles par jour sur le tournage, nous devons être très efficaces » précise Patrice Laurent, l’un des producteurs de la série. Pour les acteurs, la difficulté est ainsi de resituer, à chaque instant, l’état d’esprit des protagonistes et l’avancée des intrigues. «  Cela représente beaucoup de travail, car on doit anticiper toutes les séquences en amont pour se remémorer notre état émotionnel, d’où l’on vient, où l’on va », explique Julie Boulanger, dont le personnage de Laura évolue déjà beaucoup au cours des 35 premiers épisodes.

Sur le plateau, le soleil se couche et la bombe d’antimoustiques fait des ravages. La scène achevée, Stéphane Meunier demande la prise d’une « silencieuse », une spécificité du réalisateur. Les acteurs sont ainsi priés de rejouer la scène sans dire un mot. Un véritable défi, comme le souligne Antoine Stip, interprète de Charles, « Il ne faut pas faire de mimiques, mais conserver des réactions adaptées. Autant dire que nous partons souvent dans de sérieux fous rires ! »

Partie 2 > Stéphane Meunier et le buzz autour de la série


Stéphane Meunier justifie cette originalité par un souci artistique et technique. « C’est simple et compliqué à la fois. Tourner une silencieuse a plusieurs vocations. Si on reste dans le rationnel, cela permet d’obtenir des plans d’écoute et des sons seuls, non pollués, qui facilitent le travail technique du mixage. Mais cela donne aussi des regards qu’on ne retrouve pas forcément autrement. Tourner ce genre de scènes est un moment particulier pour les comédiens, car ils peuvent repenser à leurs intentions et leurs sentiments sans la parole. Ça ne sert pas toujours, mais ça donne parfois des moments de grâce. C’est de la dentelle !  »

Cette ultime scène achevée, un rapide tour des lieux s’impose. La villa, reflet de son propriétaire, est imposante et recèle de nombreux secrets. «  Cette maison, c’est une multiplicité de décors dans le même décor  », souligne Stéphane Meunier, mettant en avant des espaces très ouverts. «  Il ne fallait pas tomber dans la routine. Charles a 120 scènes dans cette villa, s’il les faisait toutes dans son bureau, l’acteur deviendrait fou !  » étaye le producteur Bertrand Cohen. Piscine, solarium, immense salon et même jacuzzi : ALP et Terence Films n’ont pas lésiné sur les moyens pour dépeindre la demeure du J.R. local. En visitant la chambre du plus jeune, on apprécie le clin d’oeil à Fortunes, dont les DVD occupent le bureau, précédente production du duo Meunier / Cohen.

Le transmedia pour faire buzzer CUT !

Comme sur Foudre et Fortunes, les dialogues sont le fruit d’une collaboration entre les scénaristes, les acteurs et le reste de l’équipe opérant sur la série. « C’est très écrit, mais ça ne ressemble pas à un scénario classique. Les acteurs connaissent les enjeux et ont des amorces de dialogue, mais ils ont la liberté de changer des choses. On est assez plastique dans les textes, tant que l’intention reste là » assure ainsi Bertrand Cohen. Le casting est alors invité à faire des propositions en amont et en plateau - « à tout moment  » - assure Stéphane Meunier.

Véritable innovation du projet, l’aspect transmédia n’est pas qu’un simple gadget. «  Ce qui a fait la différence dans l’appel d’offres », selon le directeur des programmes de France Ô, est partie intégrante du tournage. Pour Jules, la dernière scène face caméra n’est pas synonyme de fin de journée de travail : du contenu inédit pour les réseaux sociaux doit également être mis en boîte à l’aide d’un téléphone mobile. «  Une équipe de deux personnes travaille à mes côtés sur le transmédia. Les dialogues sont écrits, mais je peux proposer des idées » confie Sébastien Capgras, l’interprète de Jules. Le jeune acteur, qui détient ici son premier rôle, poursuit : « On part en balade avec cette petite équipe, au restaurant, dans des bars, et on se met dans la peau des personnages. Sur chaque épisode, les téléspectateurs pourront ainsi voir ce qui se passe hors caméra. »

Le but de la chaîne est clair : faire « buzzer » Cut ! en proposant simultanément à la diffusion des vidéos et photos de Jules, le fils de Laura, sur les réseaux sociaux. « Gilles Camouilly savait qu’on avait fait de petites choses en transmédia sur Foudre et Fortunes, que France Ô avait même reprises à l’antenne. À l’époque, on faisait des making of, des interviews, qui fonctionnaient très bien sur le net. Il fallait donc essayer de comprendre quel apport pouvait représenter le second écran avec Cut. Raconter une autre histoire était trop complexe, nous avons donc préféré miser sur un accompagnement de la série, explique Bertrand Cohen, pour qui Cut est un peu le laboratoire de France Télévisions en matière de transmédia. »

Partie 3 > Entre tournage à la Réunion et montage à Paris


Avril 2013. Int. Jour 11 heures. Deux jours plus tard, retour sur le plateau de Cut ! pour de nouvelles scènes fortes en rebondissements. En direct du bureau de Charles, les plans pour anéantir Laura se multiplient. De l’autre côté du plateau, les accessoiristes s’affairent à la création d’éléments de décor pour les tournages à venir. À l’arrière, toute l’équipe de la série peut profiter d’un peu de répit à côté de la « régie ». Ici, on s’occupe de la logistique, des autorisations de tournage, des urgences… Quant aux acteurs, ceux qui ne tournent pas s’entrainent sur le côté.

Toujours muni de ses « retours écrans », Stéphane Meunier, accompagné de la productrice artistique, assiste à toutes les prises et ne baisse pas son niveau d’exigences malgré le budget restreint de Cut !. « Je sais que si on refait toutes les scènes quinze fois, on est mort. C’est aussi pour ça que le travail de préparation est très important et que les acteurs bossent énormément en amont. Tout est fait pour tourner en permanence » explique-t-il.

Avant de partir filmer une scène d’agression dans les rues de Saint-Paul, toute l’équipe profite de la pause déjeuner pour fêter l’anniversaire de l’habilleuse. Comme à l’écran, Cut ! est l’histoire d’une véritable « famille », où tous, acteurs, producteurs, techniciens, partagent une aventure intense de cinq mois. Tous logés au même endroit, ces derniers sont en immersion complète avec leurs personnages. Des soirées aux week-ends, les acteurs se relaient et s’entraident pour répéter les scènes à venir. « On s’entraine souvent à plusieurs, j’aime bien me mettre quelques minutes dans la peau d’autres personnages pendant les répétitions », confie ainsi Sebastien Capgras. « Je suis en autarcie complète avec mon personnage. C’est dur, mais ça permet de m’immerger complètement dans ce nouveau rôle » assure de son côté Julie Boulanger.

Finalisation du montage

A près de 9000 kilomètres de là, le travail de post-production a déjà débuté chez Terence Films. « Les superviseurs ont repris les rushs et les monteurs ont commencé à travailler sur les premières séquences. Comme nous travaillons en crossboarding, nous ne pouvons pas finaliser le montage des épisodes avant d’avoir reçu la totalité des scènes. Nous devons livrer à France Ô les premiers épisodes d’ici fin août, il n’y a donc pas de temps à perdre » explique Emilie Journault, chargée des productions de la société.

Sous peu, les 35 premiers épisodes seront tous en boîte. Alors que les techniciens finaliseront leur montage, l’équipe de la série devra déjà s’affairer au tournage des 35 suivants, qui marqueront également l’arrivée de la comédienne Joséphine Jobert. Avec en tête, déjà, l’idée d’une seconde saison…