Côa, la rivière aux mille gravures > Jean-Luc Bouvret
France 5 propose ce mercredi 25 avril à 21h35 Côa, la rivière aux mille gravures, un documentaire sur un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Ces milliers de gravures rupestres au bord d’une rivière portugaise constitue une vraie révolution dans notre vision de l’art préhistorique. Le film a reçu plusieurs prix dans divers festivals. Entretien avec son réalisateur passionné, Jean-Luc Bouvret, déjà auteur de nombreux documentaires.
Anne-Sophie Hojlo : D’où est venue l’idée d’un documentaire sur Coa ? Est-ce une commande de la chaîne, ou est-ce votre initiative, après vos précédents documentaires sur la paléontologie ?
Jean-Luc Bouvret : C’est une initiative personnelle. En 1996-97, j’étais en train de faire une série de 12 films courts pour France 5, Il était deux fois, et j’ai entendu parlé des gravures de Coa à l’occasion de la construction d’un barrage dans la région. J’ai décidé de m’y intéresser, et j’ai commencé à écrire.
Anne-Sophie Hojlo : Comment les gravures ont-elles été découvertes ?
Jean-Luc Bouvret : Les populations locales les connaissaient. Ils les appelaient les « roches tatouées ». Ils savaient que c’était ancien, mais n’en avaient pas fait vraiment des théories. Il a fallu que des scientifiques arrivent à l’occasion de travaux de repérage pour ce barrage, en 1995. Ils ont alors réussi, avec la population, à interrompre le projet pour sauver les gravures. Un deuxième film est d’ailleurs en cours, sur le versant politique de cette histoire.
Anne-Sophie Hojlo : Pourriez-vous nous expliquer ce que représentent ces gravures, et en quoi marquent-elles un tournant dans l’histoire des sciences ?
Jean-Luc Bouvret : Ce sont des milliers de gravures rupestres représentant des animaux, sur 17 km le long de la rivière Côa. Elles se sont conservées pour des raisons géologiques et climatiques. C’est une révolution : jusqu’à aujourd’hui, on pensait, en tout cas en Europe, que l’art préhistorique était essentiellement concentré dans les grottes. Peut-être qu’en réalité, l’art de plein air était le plus fréquent.
Anne-Sophie Hojlo : A-t-on une idée précise de leur signification ?
Jean-Luc Bouvret : Le symbolique nous échappe : quelle est l’intention réelle de la personne qui fait ça à ce moment-là ? Il y a beaucoup de spéculations. La dernière théorie, qui paraît la plus fiable, y voit un support pour raconter des histoires.
Anne-Sophie Hojlo : Combien de temps s’est écoulé entre l’idée première du film et le résultat final ?
Jean-Luc Bouvret : C’est une aventure assez longue, cela a mis 10 ans. 5 ans du début de l’écriture à celui du tournage, puis encore 3-4 ans pour le mener à son terme. Nous avons organisé une fouille pour le film, avec des archéologues. Il a fallu 2-3 ans pour l’organiser : nous avons abaissé de 2 à 3 mètres le niveau du Douro, le plus grand fleuve du Portugal, sur plusieurs dizaines de kilomètres, et pendant plusieurs mois, pour faire baisser le niveau du Coa et dégager une plage, où réaliser des découvertes. Puis le montage a été assez long : nous l’avons repris plusieurs fois. Je n’ai jamais passé autant de temps à faire un documentaire : toute l’équipe voulait parvenir à un résultat très abouti. Nous avons signé avec France 5 il y a 3 ou 4 ans.
Anne-Sophie Hojlo : Le tournage a-t-il été long ?
Jean-Luc Bouvret : Nous avons filmé les fouilles pendant un mois, et nous en avons passé un autre pour les interviews des scientifiques et le travail de surimpression graphique sur les gravures.
Anne-Sophie Hojlo : Quels sont les moyens techniques utilisés pour ce documentaire ?
Jean-Luc Bouvret : C’était un tournage classique pour un documentaire assez conséquent : un caméraman, un ingénieur du son, une assistante, au total 5 ou 6 personnes. Nous étions toujours avec les archéologues. Ensuite, un directeur artistique et un graphiste ont travaillé avec nous au montage pendant deux mois.
Anne-Sophie Hojlo : Comment le projet s’est-il monté ?
Jean-Luc Bouvret : Le film a demandé un budget important... et nous en avons trouvé ! Au Portugal, beaucoup d’institutions ont compris l’intérêt pour leur pays et leur culture : l’Institut d’archéologie, le Centre du cinéma, une fondation culturelle... Et en France, nous avons eu le soutien des institutions scientifiques, le Muséum d’Histoire naturelle, le CNRS, et aussi France 5, le CNC... C’était un gros travail de production.
Anne-Sophie Hojlo : Est-ce vous qui avez eu l’idée de Marie-Christine Barrault pour le commentaire ?
Jean-Luc Bouvret : Oui, avec le producteur. Nous cherchions une comédienne, et quand nous avons eu l’idée de Marie-Christine, nous nous sommes dit : « C’est elle ! ». Elle a beaucoup aimé le documentaire et s’est beaucoup investie. Le résultat est très conforme à la nature du film.