Christophe Delay et Adeline François (Première édition, BFMTV) : « Télématin n’est pas notre obsession »
Depuis la rentrée, Adeline François a rejoint Christophe Delay aux commandes de Première édition. Le duo d’animateurs de la matinale de BFMTV dresse un premier bilan de la saison et se confie sur le dynamisme des audiences face à Télématin.
Benoît Mandin : Quel bilan tirez-vous de cette première partie de saison ?
Christophe Delay : Un bilan plus que satisfaisant puisque les chiffres d’audience sont très bons. Cela est le fruit d’un travail de longue haleine entrepris depuis début août avec Adeline François. On est restés sur le même train sans regarder ce qui pouvait se faire à droite et à gauche, le tout en continuant de construire ce que nous croyons bon pour la chaîne et la matinale. On récolte un retour sur investissement d’un travail très long, progressif, collectif et solidaire. La solidarité entre les personnes de l’équipe et de la rédaction est une valeur essentielle. Le travail au quotidien et la réflexion, que le public ne voit pas à l’antenne, est vraiment le fruit d’une réflexion de débat. Visiblement, tout cela répond à ce que le marché et les téléspectateurs recherchent, mais il n’y a pas de triomphalisme dans notre voix. On est avant tout concentrés et solidaires pour continuer à avancer.
Adeline François : C’est la preuve aussi que la marque « Première édition » de BFMTV est plus forte que le duo qui peut incarner la matinale. Il y a Christophe Delay et moi, mais derrière il y a surtout une équipe qui travaille d’arrache-pied pour la fabriquer et la faire évoluer constamment. J’ai été accueillie avec une bienveillance que je ne pouvais pas soupçonner. On ne va pas à l’antenne le matin en se disant que l’on va faire la meilleure matinale. On va faire le mieux qu’on peut et tous les matins, on remet notre ouvrage sur le métier.
CD : C’est très important ce qu’elle vient de dire. Cela fait maintenant plus de dix ans que je suis à la tête de cette matinale et c’est toujours la consigne que j’ai donnée. Demain matin est une page blanche donc il faut aller chercher les téléspectateurs qui nous font confiance un par un parce qu’ils ont ce pouvoir sublime de choisir de nous écarter en appuyant sur un bouton. Vous ne nous verrez pas dans les journaux, car nous sommes des artisans et des ouvriers du journalisme. On essaye de faire le produit auquel on croit donc il faut sans cesse le retravailler, le critiquer et remettre l’ouvrage sur le métier.
Première édition ne cesse de battre des records d’audience et de réduire son écart avec Télématin. Comment l’expliquez-vous ?
CD : Télématin n’est pas notre obsession. On ne cherche pas à se différencier pour battre France 2. Notre raisonnement est de construire un produit auquel on croit et surtout pas en se disant qu’il faut battre l’adversaire. On a toujours avancé comme ça, on a franchi les obstacles des concurrents avec une forme de modestie et de valeur : le travail.
La matinale de BFMTV est leader national sur les moins de 50 ans. Quels liens avez-vous avec les audiences ?
AD : Tous les jours, nous n’avons pas les chiffres (rires). La direction de BFMTV les a, mais ne nous appelle pas à 11h01 pour nous dire qu’hier on a fait tant. On est totalement libérés de cette pression puisque c’est simplement nous qui les voyons passer et on n’est pas à l’affût des audiences.
Vous avez évolué pendant dix-huit ans à la radio où les audiences sont dévoilées tous les trois mois. Comment avez-vous vécu ce basculement à un rythme de publication quotidienne ?
AD : Je pensais au début que ça allait être une pression supplémentaire et qu’on allait nous booster à chaque coup de mou. Et en fait, c’est loin d’être le cas et le mythe des audiences quotidiennes n’existe pas à BFMTV. Je suis assez détachée de tout ça.
« Le mythe des audiences quotidiennes n’existe pas à BFMTV »
Comment avez-vous construit votre duo ?
CD : Cela n’a pas été évident pour Adeline de succéder à Pascale de la Tour du Pin. Beaucoup l’attendaient au tournant et parfois de façon pas très élégante. Elle a réussi à se couler dans le moule de l’équipe et à trouver une place différente de celle qu’incarnait Pascale. Les téléspectateurs n’ont pas été déroutés et déstabilisés. La leçon est que la personne qui a su trouver sa place dans une équipe bien installée et qui a fait de la solidarité du travail ses valeurs, ça résonne dans l’esprit du téléspectateur.
AD : Je ne me suis pas projetée en me disant : « Il va falloir que ça soit comme ci ou comme ça ». J’ai accepté la main tendue et les bras ouverts qui s’offraient à moi au sein de l’équipe ou de Christophe. On n’est pas dans une construction à se dire qu’il va falloir que l’on soit comme ça, car cela reviendrait à dire que l’on joue un rôle. Je n’ai pas imaginé le duo que l’on allait former. On s’est rencontrés et ça a matché. Christophe et moi, c’est une rencontre comme il y en a peu dans le milieu professionnel. Le couple que l’on forme à l’antenne s’est fait naturellement.
CD : Un duo, ça ne s’écrit et ne se dessine pas. Si on essaye d’y faire croire, le public se rend rapidement compte que c’est fake. C’était un pari pas évident, mais notre souci avant tout est l’information et non nos petites personnes. Adeline, telle que les téléspectateurs la voient à l’antenne, est la même à l’extérieure. C’est très important parce que ça montre bien que l’on ne joue pas de rôles.
Dans quel état d’esprit étiez-vous lorsqu’on vous a proposé de succéder à Pascale de la Tour du Pin ?
AD : J’ai eu des appréhensions, parce qu’à l’exception du métier de journaliste, tout était nouveau pour moi. J’ai changé de média, d’équipe et de partenaire de jeu. Après, on se dit que tant qu’on n’y est pas ça ne sert à rien d’imaginer comment ça va être. Ma première réaction a été de saluer l’audace de la direction de BFMTV et de Christophe d’aller chercher un journaliste de radio pour faire une matinale télé. C’est la preuve qu’en radio on sait faire des choses qui sont transposables à la télévision. On se rend compte que l’on fait des métiers pas si éloignés que ça.
Comment avez-vous vécu ce basculement vers une chaîne d’information en continu ?
AD : Je me suis dit que j’avais envie de revenir à ça. Sur les dernières saisons à RTL, je présentais La revue de presse qui est un exercice très libre et personnel. On est moins dans le hard news et l’actualité. Je me suis nourrie de cet exercice là pendant les dernières années et revenir à l’information fait partie de ce qui m’a séduit dans la proposition de BFMTV.
Comment se prépare-t-on à un rythme aussi intense qu’une matinale ?
AD : On part à l’antenne et on sait que tout peut arriver à tout moment. Cela ne nous fait pas peur parce qu’on a une équipe solide qui nous guide et des reporters qui nous envoient des duplex et images. On se retrouve donc dans une certaine sérénité.
Sur quels critères vous basez-vous pour définir un basculement en édition spéciale ?
CD : À ce moment-là, on conduit le train et on est concentrés sur le pilotage. C’est un cran au-dessus de nous que ça se décide même si instinctivement nous le voyons venir. Dans le cas de la neige et des 2.000 automobilistes qui sont restés bloqués sur la Nationale 118, j’ai fait le choix de passer en édition spéciale dès 4h30. Après, il y a plusieurs niveaux dans notre édition spéciale. Elle peut être bleue ou rouge en fonction de l’importance de l’événement. Notre rôle est de mettre du charbon dans la machine, tout en entretenant le feu. Il faut l’alimenter en bûches et c’est là que l’on voit que BFMTV est une machine extrêmement bien rodée. Paradoxalement, l’édition spéciale n’est pas ce qu’il y a de plus de difficile à faire.
« Christophe et moi, c’est une rencontre comme il y en a peu dans le milieu professionnel »
Quel regard portez-vous sur le dynamisme des chaînes d’information en continu le matin ?
CD : C’est une nouvelle habitude qui est en train de s’ancrer dans la population. De plus en plus maintenant, on écoute la radio et on passe du temps devant une chaîne d’info. Le marché de la télé du matin est en train de croître de manière très importante. Nous bénéficions aussi de ce mouvement là.
Depuis la rentrée, vous êtes en concurrence avec Pascale de la Tour du Pin. Que cela vous évoque-t-il ?
CD : Pascale a eu un joli challenge offert par le groupe TF1. Elle voulait répondre à ce défi et elle y est allée. Elle fait ce qu’elle croit comme moi je le fais à BFMTV. C’est un nouveau choix dans l’éventail des chaînes d’infos. Je ne m’attendais pas à son départ, mais c’est encore une fois une belle opportunité qui lui a permis de partir.
BFMTV est de très loin la première chaîne info de France. Comment expliquez-vous un tel succès ?
AD : C’est le réflexe BFMTV ! Quand il se passe quelque chose, les Français ont le réflexe immédiat d’aller sur BFMTV pour voir les premières images. Ils savent que si des images sont arrivées , elles seront chez nous. C’est la force de la rédaction, nous avons beaucoup de journalistes donc c’est la garantie d’avoir les images les plus fraîches et variées.
La TNT comporte désormais quatre chaînes d’information. Qu’en pensez-vous ?
CD : Quand l’offre s’élargit et que l’on n’a pas de craintes, c’est que l’on est très arrogant. Le départ de Pascale de la Tour du Pin et quatre chaînes d’informations en frontal ont été une crainte majeure. Cela nous a obligés à encore mieux travailler, à réfléchir davantage et à être encore plus concentrer et solidaires.
AD : C’est la même chose qu’à la radio. Le gâteau est toujours le même, mais on découpe de plus en plus de parts. Il y a toujours la crainte qu’à la fin ce soit nous qui avons une petite part de gâteau. Il se trouve que ce n’est pas le cas pour le moment, mais on aborde tout ça avec beaucoup d’humilité et on sait que demain matin il va falloir aller rechercher les 500.000 téléspectateurs de la veille.