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Catherine Nayl (Directrice Générale Adjointe à l’Information du Groupe TF1) : « TF1 garde une immense confiance des gens qui la regardent chaque jour »

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Directeur exécutif en charge des contenus
Publié le 19/05/2014 à 12:50 Mis à jour le 27/05/2014 à 12:43

Après avoir été directrice de l’information des JT de TF1 jusqu’en 2008, Catherine Nayl devenait Directrice Générale Adjointe à l’Information du Groupe. Celle qui est à l’origine de la redynamisation du journal de 20 heures de TF1 et de l’arrivée de Gilles Bouleau à ses commandes est revenue sur les performances des rendez-vous de l’information de la chaîne privée pour Toutelatele, après la publication du TOP 30 des JT en Europe.

Benjamin Lopes : TF1 est le journal télévisé le plus regardé d’Europe avec 6,5 millions de téléspectateurs. Comment analysez-vous ces résultats ?

Catherine Nayl : C’est une satisfaction de voir que nos journaux de 20 heures et 13 heures sont encore les plus regardés d’Europe. L’environnement a tellement changé ces dernières années que de conserver cette puissance, cette adhésion et la confiance des téléspectateurs est vraiment importante pour nous. Même si les journaux ont sans doute perdu des téléspectateurs par rapport à il y a dix ans, TF1 garde une immense confiance des gens qui la regardent chaque jour. Le public attend ces deux rendez-vous pour connaître l’actualité même si aujourd’hui, d’autres moyens sont disponibles pour s’informer. Ces scores expriment cette réassurance de leur choix par rapport à ce que nous sélectionnons de l’actualité. C’est donc un plaisir de voir ces chiffres et en même temps, derrière, il y a énormément de travail pour garder ce niveau de confiance.

Avec 11 points de pénétration, le 20 heures de TF1 est aussi l’un des plus fédérateurs d’Europe malgré un paysage ultra-concurrentiel. Quelles particularités présente ce JT, aussi bien en termes d’image que de contenu ?

Les journaux télévisés ont effectivement toujours eu cette notion de fédération sur TF1, mais aussi de repère au niveau de la journée, à 13 heures, puis à 20 heures. Et les présentateurs de nos JT, Claire Chazal, Gilles Bouleau et Jean-Pierre Pernaut, chacun avec sa personnalité, incarnent nos éditions de manière très légitime et complémentaire. Il y avait cependant un travail à faire par rapport à l’offre qui est de plus en plus multiple. Connaître l’information et accéder à l’image, les téléspectateurs et les internautes peuvent le faire quand ils le veulent, où qu’ils soient, et sur n’importe quel support. À un moment donné, la valeur ajoutée d’un journal est de faire un choix drastique sur les thématiques que nous allons choisir, et c’est d’aller sans doute au-delà des sujets d’actualité pure.

Est-ce la stratégie qui a fait le succès du journal de la mi-journée de TF1 depuis des années ?

Ça a en effet toujours été le cas du journal de 13 heures de Jean-Pierre Pernaut, qui s’articule en trois parties. La dernière, qui s’éloigne de l’actualité, est d’ailleurs celle qui rassemble le plus de téléspectateurs. Elle est consacrée aux régions, et pas simplement à leurs traditions. On a toujours tendance à faire de l’édition de 13 heures un journal passéiste, qui ne verrait pas les choses évoluer, mais c’est faux. Je pense que les téléspectateurs, et particulièrement ceux qui sont devant leur télé à cette heure-là, sont des gens qui habitent dans les régions, d’où l’importance de cette partie.

Appliquez-vous la même conduite à 20 heures avec Gilles Bouleau ?

C’est différent, car on a un public beaucoup plus large, et aussi plus de Parisiens qu’à 13 heures. Je pense qu’il fallait aussi évoluer un peu avec notre temps, faire des choix plus importants sur l’actualité et notamment plus de décryptage autour des thématiques économiques et politiques parce que depuis 2008, les crises et les mécanismes sont à la fois plus complexe et percutent de plus en plus la vie des gens. Il faut donc qu’on fasse comprendre aux téléspectateurs ce qu’ils vivent au quotidien et quels en sont les enjeux. Tout ceci est réalisé dans la première partie du journal de 20 heures. Le second volet les emmène ailleurs, même si c’est à dix kilomètres de chez eux, pour leur faire découvrir ce qu’ils n’ont pas forcément l’occasion de voir sur des sites internet, à la radio, ou même dans d’autres journaux télévisés. On aborde ainsi des initiatives, des personnages, des situations et on se rend dans des endroits particuliers. On a fait par exemple huit minutes sur la grotte Chauvet qui n’avait jamais été tournée pour un JT. C’est aussi notre mission.

« On a toujours estimé qu’on avait quasiment une mission de service public à travers nos journaux télévisés »

Quitte à laisser de côté certaines informations ?

Ce sont des choix clairement assumés. On ne peut pas traiter toute l’actualité nationale et internationale en 32 minutes. Ça ne serait pas un choix judicieux par rapport à la somme d’informations que reçoivent les téléspectateurs tous les jours. En revanche, quand on fait des choix, on essaye d’aller jusqu’au bout, en profondeur, y compris sur les sujets de la première partie du journal avec de l’infographie, des archives, des chiffres, etc.

À quelques rares exceptions, ce sont des chaînes publiques qui détiennent le leadership sur l’information en Europe. Comment TF1 est-elle parvenue à contrer cette tendance en Europe selon vous ?

Je pense qu’il y a un héritage. TF1 est issue du service public et même si la privatisation a eu lieu en 1987, cet héritage est encore très ancré dans les valeurs de la chaîne, et notamment dans l’information. On a toujours estimé qu’on avait quasiment une mission de service public à travers nos journaux télévisés. TF1 est une chaîne fédératrice, qui mise sur des grands évènements. L’information, les journaux, la grande actualité, le sport, les grands films et les émissions comme The Voice font partie de son identité. Finalement, il s’agit d’une partie du patrimoine des autres chaînes publiques en Europe. Après, il existe d’autres missions que France Télévisions réalise très bien, mais je pense vraiment qu’on porte en nous cet héritage du service public sur TF1.

L’écart avec le principal concurrent du 20 heures de TF1 s’est encore creusé dernièrement. Comment l’analysez-vous ?

Il y a toujours une somme de facteurs, jamais une cause unique à un moment donné, face à une perte de confiance, d’un désamour, ou d’une petite baisse ponctuelle. On l’a vécu auparavant et on a réussi à remonter et à repenser ce journal, car rien n’est inéluctable à la télévision. Je pense qu’il faut à la fois retravailler le contenu du journal de France 2 et la mise en image, même s’ils font déjà un bon travail. La rédaction de France 2 est composée de très bons journalistes, mais à un moment donné il faut tout repenser. Il y a aussi sans doute des émissions qui manquent un peu de force en amont et qui les pénalisent. Je pense qu’il faut travailler sur tous ces facteurs en même temps. Mais je n’ai de leçon à donner à personne, surtout pas à mes collègues de France Télévisions.

Est-ce la recette que vous avez appliquée lors du lancement de la nouvelle formule ?

Après le départ de Laurence Ferrari, on a tout revu. Le présentateur bien sûr, mais aussi le contenu et la scénographie du journal, c’est un tout. Il fallait à un moment donner un signal fort à nos téléspectateurs, et c’est ce que nous avons essayé de faire, sans perdre notre âme, notre ADN et les fondamentaux qui ont toujours fait les JT de TF1. Nous avons travaillé sur le fond et la forme en même temps.

Partie 2 > L’évolution du journal de 20 heures et l’intérêt de TF1 pour l’identité visuelle des JT


France 2 annonce des évolutions majeures pour son JT à la rentrée. TF1 va-t-elle également procéder à des ajustements ?

Nous essayons de travailler sur des ajustements au jour le jour parce que le risque, on le prend au quotidien maintenant, et de plus en plus sur un journal télévisé. Avant, on avait un cœur de téléspectateurs fidèles qui était très important. Maintenant, on voit qu’il faut que le public adhère tous les jours à notre journal sinon il va voir ailleurs, et pas forcément sur une offre d’information, mais vers de la fiction ou des jeux. La remise en question doit être permanente.

Vous parliez de la nouvelle formule lancée avec Gilles Bouleau. La bonne recette a-t-elle finalement été trouvée ?

Nous avons eu une remise en question de ce journal il y a deux ans et nous avons changé les habitudes de travail de la rédaction, et c’est cela que nous avons fait fructifier. Il ne faut pas donner des coups de barre sans cesse, comme sur un bateau, pour garder le cap. Il est parfois nécessaire de savoir le changer de manière lisible pour les téléspectateurs. Une fois qu’on estime avoir le bon, il faut éviter de faire tourner la voile toutes les deux minutes. On a, je pense, chez TF1 un bon cap. On peut toujours faire des ratages et choisir un mauvais sujet d’ouverture. Nous avons une exigence de la qualité chaque jour par rapport à ces journaux et on se pose beaucoup de questions.

TF1 porte un intérêt tout particulier pour son habillage. Quel impact a l’identité visuelle des JT sur votre audience ?

Je ne saurai vous le dire, car on n’a pas de qualification de l’audience sur le fond et la forme, mais une adhésion globale. J’ai toujours pensé en faisant de la télévision que la forme était aussi importante que le fond. Quand je dis forme, je parle bien entendu de l’éditorial, pas simplement du décor, d’une belle lumière et d’un beau présentateur. À travers une scénographie précise, on donne une information sur le plateau télévisé. On utilise la photo sur le décor du journal avec des fresques, on fait entrer des chiffres, de l’infographie, des flux vidéo. C’est une écriture télévisuelle particulière. On a un mélange de toutes ces données qui sont additionnelles par rapport au sujet. Je pense que c’est très important et il ne faut pas que le téléspectateur se demande pourquoi on a mis tel chiffre ou telle donnée. Il faut qu’ils regardent le journal comme un tout et de manière fluide.

Certains des présentateurs du 20 heures de TF1 ont déjà été visités des studios de JT aux États-Unis. Vous inspirez-vous encore des journaux télévises Américains ?

Je pense qu’il faut faire très attention à ne pas faire du copier-coller sur la culture Américaine ou Anglo-saxonne. On ne fait pas les mêmes journaux, nous n’avons pas la même façon d’incarner l’actualité dans nos sujets.

« Il y a énormément de travail pour garder ce niveau de confiance »

Gilles Bouleau a pourtant cette culture puisqu’il a été correspondant pour TF1 à Londres et à Washington pendant plusieurs années...

Gilles Bouleau a vécu, en effet, à l’étranger pendant dix ans. Il a intégré cette culture en tant que Français. Quand il est revenu faire nos journaux télévisés de 20 heures, il avait à la fois son potentiel de journaliste français, mais en même temps ce mélange de culture qu’il avait acquise en regardant ses confrères anglo-saxons interviewer et faire des sujets de manière un peu différente. C’est ce mélange-là qui m’intéresse et je pense que la réussite du 20 heures y est liée. Il faut bien évidemment observer ce qui se passe ailleurs, car en matière d’infographie, les Américains avaient par exemple déjà un peu d’avance sur nous.

À l’inverse, des rédactions étrangères ont-elles déjà souhaité visiter les studios de TF1 ?

On a des échanges et parfois des visites de chaînes étrangères. On va accueillir en septembre la grande réunion de l’UER (Union Européenne de Radio-Télévision, ndlr) qui réunit toutes les télévisions européennes. À cette occasion, nous avons effectivement beaucoup de demandes de visites de nos studios de TF1, mais aussi de LCI. La pratique de l’information n’est cependant pas identique partout en Europe.

Le journal de 13 heures de TF1 est un ovni avec des audiences très puissantes pour la mi-journée. Fait-il des envieux en Europe ?

Il y a eu beaucoup de questionnements en France déjà, vis-à-vis d’autres chaînes nationales, par rapport à la formule adoptée par TF1 pour ce journal de 13 heures. Les chaînes étrangères regardent aussi sans doute ce journal et la manière dont il est fait, mais ils ne nous ont jamais demandé notre recette (rires). D’ailleurs, il n’y en a pas vraiment. Il y a surtout une formule et une incarnation très forte avec Jean-Pierre Pernaut.