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Tomas de Matteis (Producteur d’Un si grand soleil) : « La politique de guest stars telle que la pratique Demain nous appartient n’est pas la nôtre »

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Directeur exécutif en charge des contenus
Publié le 23/08/2018 à 11:58 Mis à jour le 23/08/2018 à 17:15

Un si grand soleil est le pari de la rentrée 2018 de France 2. Mis en chantier il y a maintenant deux ans, le feuilleton fera ses armes après le journal de 20 heures de la chaîne publique. 235 épisodes ont déjà été commandés et le producteur, Tomas de Matteis, revient pour Toutelatele sur les spécificités de cette série. Rencontre.

Benjamin Lopes : France 2 décide à nouveau de se lancer dans la bataille des feuilletons, après Plus belle la vie et Demain nous appartient. Pourquoi ce choix selon vous, après plusieurs tentatives ?

Tomas de Matteis : Il y a un appétit évident du public aujourd’hui pour la fiction. À l’échelle européenne, on était en effet un pays en retard en termes de feuilletons quotidiens. Il y a une grande densité en Europe occidentale sur ce genre. France 2 avait envie de faire une proposition différente et de rencontrer le public à travers ce type de programme qui présente à la fois l’intérêt de travailler sur la fiction en elle-même, et d’avoir un rendez-vous constant avec les Français. Cela permet de tisser avec le public à la fois une relation et en même temps de raconter des histoires un peu différemment par rapport aux unitaires qui sont sur des thèmes très précis. On a là l’occasion, sur 235 épisodes, de raconter les choses différemment, en allant plus près des individus, avec des histoires proches des gens. C’est la vocation du feuilleton quotidien, être le miroir grossissant de la société. L’univers fermé d’un feuilleton est, au final, une forme de représentation de la société française.

La volonté est-elle également d’élargir le public de France 2 ?

Je pense. Quand on a discuté sur feuilleton avec Caroline Got (Directrice de France 2, ndlr) et Delphine Ernotte (Présidente de France Télévisions, ndlr), il y a eu la volonté que l’on arrive à rencontrer le public le plus large possible. La gageure était de séduire les plus jeunes, mais pas que. C’était aussi une manière de montrer à ce public, qui est de moins en moins présent sur le linéaire, qu’il pouvait y avoir une offre qui leur correspond. On doit dans le même temps conserver le public traditionnel de la chaîne, tout en l’amplifiant.

« On a moins d’argent que nos concurrents »

Quelle stratégie avez-vous mise en place pour obtenir les résultats de cette ambition ?

On est dans une fiction où les jeunes ont leur place. On a un certain nombre de personnages jeunes qui vont être des passeurs. Ils se connaissent tous entre eux finalement et vont être les points de convergence avec des familles qui ne se connaissent pas. Leurs points d’interconnexions vont être la jeunesse et les adolescents qui vivent dans cette série.

Pourquoi avez-vous choisi d’interrompre le tournage durant la période estivale ?

On s’arrête dans la fabrication du feuilleton l’été, car on vit dans une région où il y a une forte activité touristique. On a pris de l’avance en débutant les tournages au mois d’avril dans cette perspective. Mécaniquement, on perd donc de l’avance. Au final, on va avoir une avance quasi égale à celle de nos camarades.

Pourquoi avoir pris quatre mois d’avance sur les tournages par rapport au lancement en dehors de cette pause estivale de quatre semaines ?

Notre volonté est d’aller chercher la facture la plus aboutie possible. On voulait une fiction, faite avec des budgets maîtrisés et moins d’argent que nos concurrents, qui ne sacrifie pas la qualité. On a pris le temps d’organiser les choses. D’où cette avance, de manière à tester notre outil et de l’amener à sa pleine mesure au moment de la diffusion. L’idée est de proposer aux téléspectateurs des épisodes riches narrativement, des comédiens les plus qualitatifs possible, et tout ça dans des décors et un environnement agréables pour ceux qui vont nous regarder.

« L’idée est de rencontrer des personnages plutôt que de mettre en avant les stars maison »

TF1 avait décidé de frapper fort pour le lancement de Demain nous appartient avec un casting bien identifié auprès du grand public. France 2 n’a pas de véritable tête d’affiche. Est-ce un pari risqué ?

Je ne pense pas que ça soit un pari risqué. Le pari de TF1 leur appartient. On voit Ingrid Chauvin, je ne suis pas sûr que l’on voie le personnage qu’elle incarne. C’est la problématique sur ce type de projet puisqu’on entre dans la vie de personnages que l’on va voir tous les jours. L’idée est de rencontrer des personnages plutôt que de mettre en avant les stars maison. C’est aussi la manière dont TF1 pratique son travail en fiction depuis plusieurs décennies. C’est une culture.

C’est néanmoins également la culture de France Télévisions, notamment France 3 qui utilise des têtes d’affiche pour promouvoir ses fictions…

Ce n’est pas critiquable. Notre stratégie a été de chercher les comédiens les plus justes pour incarner les personnages qu’on a décidé de camper. Il y a à la fois des comédiens connus qui œuvrent en prime time depuis longtemps. Pour la jeune génération de personnages, on a plutôt cherché des talents. Sur l’ensemble du casting, notre objectif était d’amener de bons comédiens qui vont les surprendre, plutôt que de se lancer avec des stars qui ont un passé chargé par leur personnalité. Ils n’auraient pas eu alors le loisir d’incarner pleinement les personnages qui doivent rencontrer le public au quotidien.

« On n’a pas construit ce projet en opposition avec ce que fait TF1 »

On peut donc imaginer qu’il n’y aura pas de guest stars dans Un si grand soleil, comme le fait TF1 avec Demain nous appartient

La politique de guest stars telle que la pratique TF1 n’est pas la notre. Ça ne fait pas partie de la manière dont on va travailler. On n’a pas construit ce projet en opposition avec ce qu’ils font, ou en comparaison. On a vraiment cherché à proposer un feuilleton quotidien avec le plus de sincérité possible et en avançant vers un projet éditorial. On espère que ça portera ses fruits.

La musique est un des piliers de ce nouveau feuilleton. Comment travaillez-vous cet aspect ?

On a un grand collectif d’artistes avec qui nous travaillons. Ils viennent du monde entier. Beaucoup d’entre eux sont inconnus du grand public...

Les génériques de Plus belle la vie et Demain nous appartient sont en français. Était-ce un choix délibéré de proposer une alternative avec un titre anglais ?

Ce n’est pas un choix de ne pas avoir un générique en français en tous les cas. On a un artiste français qui l’a fait pour nous, Talisco, un artiste pop. Ça fait un moment que je le suis, j’avais envie de travailler avec lui. Il a une sonorité moderne, quelque chose d’intéressant. Il vend presque plus de disques aux États-Unis qu’en France. J’ai été le voir, il préparait son album, et il y avait un titre qui s’intitulait « Sun ». On a écouté et on a travaillé ensemble. Le titre fera partie de son prochain album. Globalement, on a été vers l’envie et la volonté de faire des choses.

« Il n’y a pas beaucoup de second degré dans notre projet »

Il n’y avait donc aucune contrainte à proposer un thème musical en français pour ce nouveau feuilleton sur France 2 ?

Avec cette notion de français / pas français, il y a un petit côté bataille de clocher et petite chapelle qui m’échappe un peu. L’idée de fond est de se dire comment notre générique peut être marquant et rester dans l’oreille de nos téléspectateurs. Il doit aussi donner la dynamique de ce que l’on trouve dans la série. Le travail s’est fait dans ce sens-là. On s’est tourné vers une vingtaine d’artistes pour ce générique. Certains d’entre eux nous ont fait des propositions tout en français, d’autres pas du tout. On n’est pas dans une forme de sectarisme franco-français. Pour nous, ça n’a pas été une problématique.

Un si grand soleil est-il construit autour de l’affrontement de plusieurs clans ?

Ça serait réducteur de dire ça. Il ya plusieurs pôles qui vont émerger. Autour de Claire, des gens vont s’opposer à son retour. Il y a des protagonistes qui font le trait d’union entre ces deux familles qui inaugurent la série. Il y a d’autres familles qui vont émerger un peu partout. On n’est pas dans une forme de manichéisme. On a cherché à avoir un monde dans lequel les gens sont multicolores. Il y a des gens très sympathiques avec l’un et beaucoup moins avec l’autre. On a cherché à ce que ça ressemble plus finalement aux relations humaines, et de sortir des clichés des gentils contre les méchants, des riches contre les pauvres. Il y a plus de subtilité. La couche sociale dont est issue une personne ne qualifie pas son humeur. On a voulu avoir un brassage. Il y a des êtres complexes au sein de la série, certains sont nocifs, d’autres beaucoup moins et porteurs d’espoir.

Le meurtre initial soulève différentes intrigues. Va-t-il être le fil rouge de la première saison d’Un si grand soleil ?

On ne va pas faire 235 épisodes sur ce meurtre. Ça paraîtrait totalement surdimensionné. L’idée est d’avoir les personnages en fil rouge. Cette première enquête est une vraie plongée à travers eux et leurs sentiments. On a travaillé sur le ressenti des personnages, sur la puissance des sentiments et sur le rapport primaire. Il n’y a pas beaucoup de second degré dans notre projet. Un évènement peut déclencher de multiples réactions. Le meurtre initial nous permet de nous plonger dans les rebondissements de ce qui va faire la vie des personnages. Le polar et le suspense servent surtout à générer chez les personnages des réactions et des transformations de leurs états.

En dehors des immenses studios à Vendargues, où le feuilleton est-il tourné ?

Nous tournons à la Grande-Motte, à Montpellier sur toutes ses formes, avec le centre-ville et les campagnes alentour. On va jusqu’au Pic Saint-Loup à 20 kilomètres de Montpelier, à Palavas, Carnon. On rayonne sur une métropole, au-delà sa dimension administrative. Toutes les scènes d’intérieur ne sont d’ailleurs pas tournées dans les studios.