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Les Revenants : Rencontre avec le créateur Fabrice Gobert

Claire Varin
Publié le 04/12/2012 à 20:34 Mis à jour le 27/05/2022 à 00:43

Le 26 novembre 2012, Canal+ a lancé une nouvelle série, Les Revenants. La série fantastique, adaptée du film éponyme, est écrite et réalisée par Fabrice Gobert. Toutelatélé a rencontré le créateur pour évoquer avec lui les thèmes de la série, ses choix narratifs et ses références. Décryptage...

Claire Varin : Le projet, produit par Haut et Court, existe depuis cinq ans, mais votre arrivée sur la série remonte à « seulement » deux ans. Vous a-t-on appelé à la rescousse ?

Fabrice Gobert : Ce n’est pas comme ça que les choses m’ont été présentées. Il y avait un point de départ qui était l’envie de Caroline Benjo et Jimmy Desmarais d’adapter le film Les Revenants, qui était produit par Haut et Court. Ils ont travaillé dans différentes directions. Puis, lorsqu’ils ont vu Simon Werner a disparu, le film que j’ai réalisé, ils ont vu un univers en commun. Ils étaient en train de chercher une nouvelle direction et ils m’ont proposé de réfléchir. J’ai lu ce qui avait été fait et il y avait des éléments hyper intéressants qui avaient été développés, notamment par Céline Sciamma. J’ai pris ce qui m’intéressait vraiment et j’en ai ajouté d’autres. Je les ai développés avec Emmanuel Carrère et Fabien Adda. Le point de départ, le retour des morts, était tellement fort que les personnages sont nés assez vite.

Aviez-vous vu le film de Robin Campillo ?

J’ai vu le film au moment de sa sortie. J’avais vraiment adoré. Quand j’ai entendu parler de cette série, bien avant qu’ils me la proposent, je trouvais déjà l’idée formidable. C’est un très bon point de départ pour une série. J’étais très content de pouvoir faire ça.

La série prend le contre-pied du film, en parlant de l’intime. Pourquoi ce choix ?

Je trouvais plus intéressant de partir de l’intime en allant plus progressivement vers quelque chose d’un peu plus collectif. Mais j’avais le sentiment qu’il fallait prendre le temps de développer chaque trajectoire. La série offre le temps de développer les rapports entre les personnages et de le confronter à ce retour fantastique et extrêmement bouleversant. On peut quasiment raconter les choses heure par heure.

Les Revenants parle du deuil, mais aussi de la misère affective. Est-ce un thème que vous aviez en tête en l’écrivant ?

Oui. Consciemment ou pas, ça parle beaucoup des sentiments et des relations que l’on a avec les gens qui nous entourent. Dans le deuil ou pas dans le deuil. J’ai l’impression que ces personnages sont très seuls. Le personnage de Léna est abandonné par ses parents, qui ne réussissent pas à l’aider. C’est un sujet qui me passionne. La façon dont on gère la douleur et les tragédies, qui traversent nos vies, je trouve ça bouleversant. Le fantastique me permettait de traiter de ces sujets là sans être dans le drame familial.

Dans le film, les revenants avaient une aphasie et une lenteur. Ici, c’est très différent, on a le sentiment que les morts ramènent les vivants à la vie…

Oui, ils sont très vivants parce qu’ils ne savent pas qu’ils sont morts. Notre envie était que ces morts ne soient pas morbides, mais, au contraire, qu’ils aient une soif de vivre. Ils ne dorment pas. Ils ont envie de manger. Ils sont remplis d’envies et de passion. Alors qu’ils sont entourés de personnes dans le deuil, donc tournés vers la mort.

La série répond à un genre plutôt anglo-saxon tout en restant très française. Quelles étaient vos références pour créer cet univers ?

J’ai essayé de trouver des références dans lesquelles le fantastique surgit du réalisme. Il y avait ça dans le film de vampires suédois, Morse. Le réalisateur Tomas Alfredson réussit à faire surgir des vampires dans l’histoire sans que ce soit improbable. On a essayé de créer un univers à la fois réaliste et fantastique, dans lequel on pouvait faire revivre des morts. J’avais aussi des références littéraires, j’ai beaucoup pensé à Bret Easton Ellis, à Philip K. Dick, des auteurs, qui travaillent le fantastique à l’intérieur de quelque chose de réaliste.


Peut-on citer Twin Peaks ?

Oui, complètement. Mais heureusement, il y en avait d’autres parce que l’idée n’était pas de faire quelque chose qui ressemble à Twin Peaks. C’est une série extrêmement réussie et singulière. Ça aurait été peine perdue de faire quelque chose qui ressemble à Twin Peaks. Je ne l’ai pas revu pour l’occasion, mais c’est une série qui m’a beaucoup marqué. J’ai mis des choses de Twin Peaks dans Les Revenants sans m’en rendre compte. En plus, cette série a également influencé d’autres séries américaines. Dans l’idée de la série d’atmosphère où des choses étranges peuvent se passer, Les Revenants a forcément quelque chose à voir avec Twin Peaks. Ce qui était aussi très réussi dans la série de David Lynch, c’est à quel point les personnages appartiennent tous à un genre différent et tout ça cohabite.

Les 4400 fait-elle également partie de vos références ?

Évidemment, mais c’est une série qui ne m’a pas complètement convaincu parce que justement on ne s’attachait pas assez aux personnages. Le nombre jouait contre la série. Il y a l’idée d’une communauté dans Les Revenants, mais il fallait limiter ce nombre et ce mouvement collectif, qui est dans le film. Les séries amènent à être au plus près des personnages. Il ne faut pas trop embrasser de personnages et mélanger à ce point dimension intime et collectif, c’est très difficile.

Vous avez tourné à Annecy, entourés de montagnes. Pourquoi ce choix de décor ?

J’avais l’impression qu’il fallait que cette ville soit isolée. L’unité de lieu permet de se poser la question de savoir si le phénomène s’envisage ailleurs ou s’il ne se produit qu’ici. Pour cette raison, je trouvais intéressant que ce lieu soit entouré de montagnes. La montagne représente une certaine menace, notamment avec ce barrage. Et en même temps, je me rends compte que cet isolement correspond à celui des personnages.

Parmi les personnages, il y a un serial-killer. L’enquête policière reste-t-elle une voie obligatoire lorsqu’on écrit une série ?

Il n’y avait aucune obligation, mais une envie d’utiliser un maximum de figures. Je réfléchissais à des personnages et je voyais les conséquences que ce retour pouvait avoir. Camille revient et retrouve sa famille, c’est formidable pour la famille. Le retour du type qui s’amuse à tuer des filles dans le tunnel, ça l’est forcément moins. Il y a des revenants dont le retour est souhaité et pour d’autres, ce n’est absolument pas souhaité. Et il y a des retours mystérieux. Le petit garçon est effectivement une figure un peu récurrente dans les films fantastiques, mais il reste une figure passionnante, qui est le Mal. Puis, plus on avance dans la série, plus on se rend compte que non, pourquoi ce serait le Mal, c’est aussi un petit garçon. J’ai essayé de jouer avec ces codes-là.

Jean-François Sivadier, qui interprète Pierre, dit que la série a confiance en l’intelligence du téléspectateur. En écrivant, avez-vous pensé à cette place que vous donneriez au téléspectateur ?

Canal+ nous a donné la liberté pour faire la série que, personnellement, j’avais envie de voir. Comme spectateur, je n’aime pas qu’on m’explique tout. J’aime avoir la possibilité de fantasmer. Ca ne veut pas forcément dire ne pas comprendre. On donne toujours les clés pour que le spectateur comprenne. On fait en sorte de ne pas laisser le spectateur à côté, en faisant quelque chose de trop complexe ou de trop symbolique, avec l’idée d’être toujours concret. Mais, il faut laisser la place au spectateur pour pouvoir fantasmer.

En écrivant la saison, l’avez-vous imaginé comme un film de huit heures ou comme une vraie série ?

Non, pour moi, c’est le début de quelque chose. Chaque épisode a été construit comme un mouvement de 52 minutes à l’intérieur d’un mouvement plus global de 8 épisodes. Un peu comme en musique. Chaque scène est aussi un petit mouvement. L’idée était que les mouvements s’imbriquent les uns dans les autres et que tout ça prenne sens au bout d’un moment. On n’a pas écrit 8 épisodes en se disant, on verra bien après ce qui se passe. Il y a plein de choses qui sont plantées, qui n’ont pas eu le temps de développer et que l’on aimerait développer après. Il y a une évolution globale vers laquelle on a envie de tirer la série et les personnages. L’aventure continue.